Une fanfare familiale de 12 à 24 ans joue les Pixies sur la guitare psychiatrique de Daniel Johnston : sourires jaunes.
C’est quoi, cette façon de donner des leçons de songwriting à un âge où nous, on ne savait même pas encore tricher aux billes ? On avait déjà été sérieusement secoués par la tenue de plume du très jeune Ben Lee 16 ans et déjà le permis de conduire de grosses chansons , mais là, ce n’est même plus à la sortie des lycées qu’on devra rôder, mais au primaire. A l’oreille, l’Américain Daniel Smith n’a pas le droit de boire, de piquer des voitures, de fumer ou de voir des films marrants. A l’oreille, Daniel Smith a 15 ans : ses chansons humilient pourtant à chaque refrain des milliers de faux jeunes de 20 ans et toutes leurs dents (longues, acérées). On se rappelle Ben Lee chantant un mémorable Away with The Pixies. Décidément, Frank Black plaît beaucoup aux enfants. Car cette façon de sprinter, de s’arrêter en équilibre puis de repartir en faisant des bonds avant de faire traîner le chant comme de vieilles Nike, c’est, pour des siècles encore, la propriété privée de Doolittle, l’album qui a redéfini le rock américain. Et ouvert de sacrées perspectives : ainsi, on pouvait jouer du Pixies sur des grosses guitares dépressives (Nirvana), sur des instruments handicapés (Pavement), sur des chevaux de course (Weezer) ou de labour (Nada Surf). Mais on ne l’avait encore jamais joué en fanfare familiale Danielson, c’est Daniel Smith accompagné par ses frères et sœurs, de 12 à 24 ans , avec les moyens du bordel : un piano à deux octaves, une batterie cossarde, des clochettes rouillées, un banjo pas jojo, des guitares pleines de poux. Economie d’esbroufe musicienne, mais grand show des mots : d’entrée de jeu, la gigue brindezingue de No, no, no plante le décor « Dans mon cerveau, dans mon cœur, une chose est en train d’être assassinée. Une mort douce. » Qui ne cesse de s’obscurcir quand on s’enfonce dans ce touffu Tell another joke at the ol’ choppin’ block : « Elle a crié et m’a donné naissance/J’ai crié que j’étais content de voir son visage/Ma maman/Elle m’a nourri du plus profond de son âme/J’ai souri parce que j’aime bien manger/Mon père me dit que quand l’heure du Paradis sonnera/Ma maman sera au premier rang/Faisant de grands adieux à mon papa » ou « C’est le feu qui jugera de l’importance du travail de chacun. » Et des chansons comme ça, obsédées par la mort, le pourrissement ou les plus gothiques images religieuses ceux qui ont vu Wynona Ryder dans Beetlejuice auront une idée de la femme idéale pour Daniel Smith , il y en a douze. Douze sucreries à la ciguë, admirablement produites par le grand Kramer. Qui, lorsqu’il décidera d’abandonner la production de tels hurluberlus Kramer est le spécialiste mondial des Daniel siphonnés (Smith ou Johnston, cousins assez proches) , pourra peinard se reconvertir infirmier psychiatrique. Ou devenir le Phil Spector d’un Wall Of Sound dans lequel ces enfants terribles n’ont pas fini de se taper la tête.
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