Ludwig von 95. Braunschweig, jeune metteur en scène français, s’est attaqué au seul opéra de Beethoven. Sobrement. Côté Beethoven, on n’est pas vraiment au régime sec cette année : les intégrales affluent, les cycles se succèdent, les chefs se disputent les symphonies (Tate, Sawallish), même le cinéma met son grain de sel. Ne manque que […]
Ludwig von 95. Braunschweig, jeune metteur en scène français, s’est attaqué au seul opéra de Beethoven. Sobrement.
Côté Beethoven, on n’est pas vraiment au régime sec cette année : les intégrales affluent, les cycles se succèdent, les chefs se disputent les symphonies (Tate, Sawallish), même le cinéma met son grain de sel. Ne manque que la couverture du Time Magazine l’intronisant « homme de l’année 95 ». Cette fixation sur le grand cacique de la musique est à la fois hautement burlesque et franchement crispante. Devant tant de fastidieuse allégeance, on a envie d’aller s’enterrer dans un trou. Et surtout, on se prend à accueillir avec soulagement ce qui, en d’autres temps, aurait pu n’être qu’un aimable bonnet de nuit : la présentation au Châtelet de Fidelio, dans la production récemment montée à Berlin par Daniel Barenboïm et Stéphane Braunschweig. Parce que l’oeuvre est ce que ce vieux Ludwig van a fait de mieux. Parce qu’on a hâte de voir un bon Fidelio, après l’échec navrant de celui de Strehler, il y a quatre ans au même endroit. Et parce qu’il serait plaisant qu’un jeune metteur en scène français de 31 ans parvînt à déjouer tous les écueils où se sont abîmés ses confrères, Strehler compris. Stéphane Braunschweig reconnaît que la tâche est difficile : le livret n’est pas bien fameux, la musique est sublime mais hétéroclite. Et l’on ne s’attaque pas impunément à l’ouvrage fondateur de l’opéra allemand. C’est justement contre ce côté « morceau de patrimoine » qu’a voulu aller Braunschweig au prix d’une certaine hostilité du public berlinois. Sa conception fait fi des cachots obscurs, des murailles suintantes, des lourdes grilles qui illustrent généralement l’opéra. Décor blanc et sobre, le spectacle donne dans l’épure visuelle. Il balaie du même coup les tentatives d’actualisation dont l’oeuvre fait couramment les frais façon Sarajevo ou Auschwitz. Non, Fidelio n’est pas un jeu de rôles (on dirait qu’on est des nazis, on jouerait à être des dictateurs latino-américains, etc.). « Le livret n’a rien à voir avec toutes ces histoires d’opprimés. La question à se poser, c’est plutôt : pour quelle liberté on lutte aujourd’hui ? Est-ce pour la liberté de penser ? La liberté de pouvoir tout acheter dans les grands magasins ? On peut faire ressortir ça grâce aux différents styles musicaux qui coexistent dans la partition : celui des prisonniers, celui de Leonore et Florestan, celui du peuple… En accentuant un peu le contraste, on fait apparaître quelque chose comme la société à deux vitesses. Une société divisée par un mur invisible, mental, dont Berlin est évidemment le lieu emblématique. » En somme, ce qui apporte la liberté dans Fidelio, c’est la musique et elle seule. « Dans certains airs, le personnage se met à planer. On est censé être dans une prison sombre, et on a une espèce de lumière incroyable. La musique est un appel permanent à échapper à la réalité. » Il incombe à la baguette de Barenboïm de faire souffler ce grand vent de liberté. Et alors, où est le problème ?{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Fidelio par Stéphane Braunschweig
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