Cela devait bien finir par arriver. Les deux ex-enfants terribles d’Albion ont chacun leur tour titillé le rock là où ça lui fait mal, l’ont trituré dans tous les sens pour le remettre sur pied, l’ont bidouillé pour le faire évoluer. A force de demi-rencontres et de croisements furtifs, ces deux touche-à-tout géniaux devaient eux […]
Cela devait bien finir par arriver. Les deux ex-enfants terribles d’Albion ont chacun leur tour titillé le rock là où ça lui fait mal, l’ont trituré dans tous les sens pour le remettre sur pied, l’ont bidouillé pour le faire évoluer. A force de demi-rencontres et de croisements furtifs, ces deux touche-à-tout géniaux devaient eux aussi se regarder dans le blanc des yeux. La chose est faite. Nos oreilles de fans ébahis et respectueux n’attendaient que cela. Pourtant, malgré toute la mauvaise foi dont elles sont capables, ce sont les défauts qu’elles remarquent immédiatement : une production plate, des sons standard là où il n’en fallait pas ? les guitares ! ?, un travail sur les voix doublées, souvenir des Talking Heads (bien que le tuyau leur ait été refilé par Eno alors qu’il les produisait).
Puis, d’un coup, on réalise le plaisir qu’on éprouve de retrouver Brian Eno dans le format de la chanson pop, exercice qu’il avait délaissé depuis son Before and after science des mid-seventies. Ses petits gimmicks de composition qu’on avait oubliés frappent dès le Lay my love d’ouverture. Curieusement, c’est le single One world qui cristallise le mieux la dichotomie plaisir/reproche : attirant mais facile, mélodique mais pas recherché? Toutes les petites trouvailles, et même l’émouvant Cordoba, n’élèveront pas ce disque au rang où on l’espérait. Peut-être en attendait-on trop de la part de deux figures aussi influentes. Qu’on ne s’y trompe néanmoins pas, Wrong way up est bien meilleur que 95% des disques qui sortent dans le même temps ; il reste simplement dans le peloton des 5% sans parvenir à s’en détacher nettement. C’est le petit diable chez le fan qui parlait. Maintenant, je sens déjà le petit saint accourir, plein de compassion, pour aimer ce disque, même si les traces de génie qui le parsèment ne sont pas assez exploitées.
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Archives du n°26 ( nov/ déc 90)
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