On n’avait jamais joué L’Hymne à la joie avec autant de générosité et d’électricité que chez Weezer, de plus en plus euphorisant. “Tout ça commence à devenir sérieux” Rivers Cuomo, Getchoo. Attention, cet avertissement, même hors contexte, est à prendre au pied de la lettre. Son bassiste Matt Sharp revenu de son cocufiage avec […]
On n’avait jamais joué L’Hymne à la joie avec autant de générosité et d’électricité que chez Weezer, de plus en plus euphorisant.
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« Tout ça commence à devenir sérieux » Rivers Cuomo, Getchoo. Attention, cet avertissement, même hors contexte, est à prendre au pied de la lettre. Son bassiste Matt Sharp revenu de son cocufiage avec les Rentals, Weezer pique avec Pinkerton la clé de la réussite et erre, insolent, sur les routes de la gloire. Et tonne, vengeur, contre les Cassandre d’hier intégr(al)ité restituée, radicalité poussée, extrémités tour à tour ralliées : moins p(r)op(re), avec plus de (ga)rage, Pinkerton s’évade de la cage dorée dans laquelle s’était trop vite enfermé son prédécesseur, maquille ses sonorités d’un écran neigeux savoureusement parasitaire, sépare judicieusement l’acoustique de l’électrique pour mieux les faire vivre seuls, pleinement libérés. De l’explosif Getchoo au troublant Butterfly antipodes étonnamment proches d’une logique radicalement cohérente , Weezer établit le code binaire du tout ou rien. La même loi qui renvoie dos à dos les propos dialectiques sur la nature humaine de Cuomo & Co : vrais-faux rigolos ? Ni vrais ni faux, mais plutôt : Weezer ou rien. Quand le hardcore politique et le lo-fi entre autres assènent leur message (toujours formel) de façon totalitaire et donc en sens unique, la musique de Weezer rétablit une sorte de réponse, vit en partie d’elle : le feed-back, dirait Baudrillard (littéralement, « nourri en retour »). Quand les (beaux) dictateurs susnommés transmettent leur révolte ou leur abattement et par-là nous relèguent au rang d’auditeurs passifs toujours complaisants , Weezer, groupe social, invite à la danse sociale de l’échange. Enchanteur enchanté, il nous refile son alacrité qui l’arrose à son tour, à travers le tuyau de ses refrains entonnés en chœur. De simples histoires de garçons et de filles où Cuomo jouant à fond la carte de la réciprocité reverse la grâce houleuse de ses vocaux dans la crasse poudreuse de ses guitares, reverse le féminin dans le masculin, permutant, échangiste, le you et le me en vases communicants (« I know all about you/And you know all about me », « I think I’ll be good for you/ And you’ll be good for me », « Nobody knows me like her/Nobody knows her like me », etc.). Pas étonnant qu’Undone The Sweater song ou The World has turned and left me here aient mis sens dessus dessous les campus américains. Pink triangle et Across the sea devraient d’ailleurs aujourd’hui provoquer le même retournement fou, la même volte-face des zygomatiques : gavé de ce rock altruiste, non exclusif et anti-ascétique, Pinkerton s’admire, donne et reçoit dans le miroir sans tain de notre joie conquise.
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