On entend enfin la guitare de Johnny Marr dans l’électronique désuète d’Electronic : fiesta à la maison de retraite. Manchester, ville fermée. Un de ces endroits maudits d’où l’on ne sort jamais tout à fait, ou auquel on revient toujours un peu : ancien lieu de bataille devenu lieu d’après la bataille, un reposoir où […]
On entend enfin la guitare de Johnny Marr dans l’électronique désuète d’Electronic : fiesta à la maison de retraite.
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Manchester, ville fermée. Un de ces endroits maudits d’où l’on ne sort jamais tout à fait, ou auquel on revient toujours un peu : ancien lieu de bataille devenu lieu d’après la bataille, un reposoir où les anciens guerriers fatigués sont occasionnellement magnifiques. Cantona et Johnny Marr, même combat ? Pendant toutes ces années où l’ancienne fine lame des Smiths a couru derrière les cachetons Pretenders, Talking Heads, The The sans parvenir à faire vibrer outre mesure nos âmes d’éternels supporters, Electronic ne fut rien d’autre qu’un pis-aller, un match sans enjeu dont l’unique vertu était qu’il se jouait à domicile. Son mariage de raison avec Barney Sumner, la voix frigide de New Order, semblait une union de cocus, d’une carpe vieillissante et d’un lapin blessé. Le tonnerre discret de leurs premières armes communes ne nous fit d’ailleurs point oublier les bombes et les éclats passés. Tenez, à propos d’électronique, il nous est souvent venu l’envie de leur débrancher les fils, de faire disjoncter leurs circuits, d’abréger leurs souffrances au nom du souvenir intègre que l’on tenait égoïstement à préserver de leurs belles aventures respectives. Raise the pressure, à défaut de taire complètement ce sentiment de gâchis, d’ouvrir sur un grand dessein, est le disque honnête qu’on attendait d’un faux groupe qui admet enfin n’être qu’une somme d’échecs, un concentré d’impuissance. Version optimiste : Electronic, ou deux électrons libres qui cohabitent par paresse géographique. Quasi fantomatique sur le premier album, la guitare marrsienne tient ici sur la plupart des titres un premier rôle que l’on désespérait lui revoir jouer un jour. Quant à Barney, abonné volontaire au Prozac, il a rarement paru aussi serein, presque guilleret à l’occasion, même si son champ mélodique demeure toujours aussi étroit qu’un coupe-gorge mancunien. Solidement charpentées lorsqu’elles arborent un format pop archiclassique Forbidden city, One day , leurs chansons finissent en eau de boudin lorsqu’Electronic veut à tout prix justifier son patronyme : les boucles house Dark angel semblent dater de l’âge de pierre du genre 86, dans ces eaux-là , les timides tentatives techno feraient passer la moindre escroquerie eurodance pour du génie brut et même Dance machine 14 ne voudra pas de l’affreux Until the end of time et de ses choristes à gorge profonde. A la bourse des eighties, ce duo-là valait en ordre dispersé son pesant d’or, il ne lui reste aujourd’hui que le charme superficiel d’un alliage de métaux sans valeur. C’était ça ou un aller-simple pour la casse. Las de voir chacun regagner son foyer d’origine ou briller en solitaire, on se sera résignés à admettre que ces deux-là vieilliraient bien ensemble.
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