Après l’avoir accusée d’attouchements sur sa petite soeur, les médias conservateurs américains continuent de s’en prendre à la créatrice de « Girls ».
L’expérience est éloquente. Il suffit de prendre un moteur de recherche, et d’y taper « Lena Dunham » à la suite des mots « mensonge » et « viol » en anglais pour être découragé par l’espèce humaine. Ou plutôt, par les médias de droite américains.
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« Après un examen approfondi, son histoire de viol s’écroule« , « 2014 est l’année du mensonge« , « Lena Dunham publie des mensonges sur un viol« . Les titres s’égrainent et se ressemblent. Depuis la sortie de son autobiographie début octobre, Not that kind of girl, Lena Dunham n’a cessé d’essuyer les critiques concernant plusieurs scènes du roman, dont une accusation d’attouchement sexuel sur sa soeur.
L’histoire qui a fait le plus grand bruit, et qui a poussé la créatrice de la série Girls à publier une tribune d’explication, est celle où Lena Dunham raconte qu’elle s’est fait violer alors qu’elle était à l’université Oberlin dans l’Ohio, par un autre étudiant, « le seul républicain de tout le campus« , précise-t-elle ironiquement .
« Dunham pointe son doigt de femme puissante sur cet homme«
Le récit de cette pénétration sans préservatif et non consentie est livré à plusieurs reprises au fil du roman, d’abord rapidement puis plus en détail dans un chapitre consacré à « Barry », le nom que l’auteure a donné à son violeur pour ne pas divulguer son identité (mais sans préciser que c’était un pseudonyme). Or, comme nous l’avions souligné au début du mois, un étudiant, de son vrai nom Barry, qui était bien à l’université Oberlin en même temps que Dunham, a menacé de la poursuivre en justice car plusieurs personnes ont cru qu’il s’agissait de lui.
C’est alors qu’a débuté la fronde des médias conservateurs américains contre l’auteure, incarnée par une longue enquête du site Breitbart.com, qui a dépêché un journaliste dans l’Ohio pour « vérifier » les informations données par Dunham. A grand renfort de petites phrases accusatrices (« Dunham pointe son doigt de femme puissante sur cet homme« ) , l’article démonte point par point les quelques détails apportés par l’auteure (l’homme aurait porté des bottes de cow-boy violettes, une moustache et aurait fait partie d’une radio associative).
Après une longue investigation, le site est arrivé à la conclusion que l’homme qui s’appelle vraiment Barry, et qui menace de poursuivre Dunham, n’est pas l’agresseur dont elle parlait, mais qu’un autre (qui ne s’appelle pas Barry) pourrait bien l’être. Qu’importe, pour le journaliste de BreitBart, Lena Dunham a menti.
« Un viol n’est pas toujours un viol »
Le New York Post, comme l’a relevé Gawker, y va également de son attaque, traitant Lena Dunham de » menteuse » et son « histoire de viol » d’ »inexacte ». Pour le site conservateur Red State (« les Etats républicains »), ce ne serait qu’une « accusation de viol bidon« . Et le journaliste d’insister sur le « narcissisme » de l’auteure, de se permettre des affirmations comme « un viol n’est pas toujours un viol, il y a des degrés » et de critiquer le fait que Dunham avait bu le soir de son agression.
L’éditorialiste ultra conservateur Rush Limbaugh, bien connu outre Atlantique pour ses injures racistes, homophobes et misogynes, a également sauté sur l’occasion pour rappeler que les femmes mentaient et ruinaient la vie d’hommes innocents, et que Lena Dunham n’avait jamais été violée « par un gars de l’université Oberlin ».
Quelques jours après avoir appris l’existence d’un véritable « Barry », Lena Dunham a pourtant précisé qu’elle avait utilisé ce prénom comme pseudonyme, et que ce nom serait changé dans les prochaines rééditions de son livre.
L’exercice autobiographique à l’épreuve d’une accusation de viol
Cette information n’a pas poussé les médias américains qui l’avait accusée à revenir sur leurs dires. Pour eux, le simple fait que Lena Dunham ait dissimulé certains détails (« j’ai fait le choix de cacher certaines identités, et de modifier certains éléments de description » écrit-elle sur Buzzfeed) est la preuve que le viol n’existe pas.
Pourtant, la créatrice de Girls a pris soin de souligner un point important dans son livre : « je ne suis pas une narratrice fiable« , écrit-elle. Elle explique ensuite que ce qu’elle a décrit au début de son livre comme une « relation sexuelle gênante » était, en fait, un viol. Illustrant ainsi à l’écrit le cheminement de sa lente acceptation des événements et de la manière dont elle les a vécus dans la « vraie vie ».
D’autant plus qu’à la lecture de l’essai de Lena Dunham, il est impossible de ne pas relever l’insistance avec laquelle l’auteure cherche à nuancer ses propos. Sans revenir sur ses accusations, Lena Dunham souligne les difficultés inhérentes à l’exercice autobiographique, aussi bien dans la remémoration que la retranscription subjective de l’auteur, forcément consciente du regard du lecteur.
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