Fraîchement débarqué au Supplément de Canal +, Vincent Dedienne ose tout dans sa « Bio Interdite » des invités politiques. Portrait du nouveau trublion du PAF.
Certains lui trouvent des intonations à la Chris Esquerre ou Alex Lutz. Depuis la rentrée, Vincent Dedienne a pris la suite de Stéphane de Groodt et ses « chroniques » d’outre-tombe dans le Supplément de Maïtena Biraben. Son prédécesseur déterrait les morts, lui exhume les secrets des vivants. Ou les invente, selon son humeur. Sa chronique, la « Bio interdite« , est un numéro d’équilibriste entre fiction douteuse et réalité ubuesque. « J’aime le concept qu’a trouvé Laurent Bon, le producteur. J’ai la liberté d’être fantaisiste à tous les coins de phrase. »
Il est « très client » de ce que font ses confrères sur la chaîne. Mais ne se voit pas comme un de ses nouveaux ambassadeurs pour autant. « L’esprit Canal ? C’est un grand mystère » pour lui. Il revendique un humour « ringard« , ne se retrouve pas dans un hypothétique trio: Iphone, décontraction et familiarité. Son truc ? Un côté « IVe République » revendiqué. Pas hyper fashion, mais gentiment désuet : « Comme je viens du théâtre, je n’ai pas les codes de la télévision ou de la politique. J’en joue. Parfois ça surprend parce que j’ai une tête de gendre idéal. Mais pour autant je me sens inoffensif. »
On l’a pourtant vu vexer Jacques Attali dont il évoquait une possible ressemblance avec un hibou. « L’exercice de la Bio interdite est raté s’il fait de la peine. Quand j’ai perçu celle d’Attali, ça m’a gelé, je me suis senti désolé. Ma nature de petit garçon bien élevé est revenue au galop. Certains disent que c’est un moindre mal de blesser quelqu’un si c’est pour en faire rire 900 000 autres. Je ne suis pas d’accord. »
Il n’empêche. A le voir appeler Nadine Morano « ma nounouille« ou comparer Michel Rocard à Vercingétorix avec le plus grand naturel du haut de ses 27 ans, on pourrait croire qu’il est tombé dans le PAF quand il était petit. Pourtant, avant d’écumer les plateaux télés, il était sur les routes. Plus précisément « dans le Formule 1 au bord de l’A13, après avoir joué du Victor Hugo à Evreux. Une vie d’intermittent« , lâche-t-il dans un sourire. Le théâtre c’est son dada. Quand il parle de Denis Lavant ou d’Anne Alvaro, on ne l’arrête plus.
Après des années à revêtir les costumes de différents personnages de fiction avec plusieurs troupes, c’est entièrement à poil qu’il a décidé d’entrer sur scène pour son premier one-man show. Ou plutôt son « spectacle d’une solitude« . La preuve de son talent pour la mise à nu. Pas seulement celle des autres donc, la sienne aussi. Il dévoile son intimité au sens propre et comme au figuré, il surprend et s’expose sans crainte.
« Ce sont les règles du jeu. Je les accepte. C’est sûr que c’est difficile d’admettre l’idée qu’on ne peut pas plaire à tout le monde. Mais en même temps j’ai toujours pensé que l’unanimité c’est suspect. Ce n’est pas le rôle de l’art de mettre tout le monde d’accord. C’est vivant, ça passe par le chahut.«
Il prend le parti de prévenir d’emblée le spectateur perplexe par le mélange des genres qu’il a choisi : ça ne va pas aller en s’arrangeant. Une minute, il dépoussière la sœur de Marie Antoinette, la suivante il se confie sur ses jeux d’enfants. « C’est vrai que je suis un embrouilleur« , s’amuse-t-il. On le voit d’ailleurs à peine sur l’affiche de promotion, caché derrière un bol, encadré par ses parents. Pas tout à fait l’image à laquelle on nous a habitué pour un one-man show.
Mais le vrai tour de force de Vincent Dedienne, c’est de ne jamais laisser au spectateur la possibilité d’être indifférent. Amusé ou ému, oui. Indifférent, non. Il voit un peu son spectacle comme un rencard. D’où son titre : « S’il se passe quelque chose…« . Une phrase lue un jour sans qu’il ne se rappelle où, et qui l’a marqué : « On naît, on meurt, et puis c’est tout. S’il se passe quelque chose au milieu, alors tant mieux« . Il en a gardé l’idée d’une perspective, d’une rencontre : « Jouer seul sur scène c’est un peu comme un rendez-vous amoureux. On y va en se disant qu’on espère qu’il va se passer quelque chose. »
Il n’a pas de plan précis pour le reste de sa carrière. Il sera au théâtre du petit Hebertot jusqu’au 3 janvier, puis au Café de la Danse, avant de partir en tournée. Poursuivre son aventure à Canal ? Retourner au théâtre ? Faire du cinéma ? « Seulement si c’est un très joli film« . Mais on le sent avide de projets. Peut-être parce que pour lui : « C’est la moindre des politesses pour un acteur d’être curieux et gourmand« .