Révélé cette année dans le très percutant « Whiplash », Miles Teller s’annonce comme une des stars masculines montantes d’Hollywood. Portrait de l’acteur de 27 ans qui s’apprête à entamer le tournage du troisième opus des « Quatre Fantastiques ».
Si certaines apparitions sont plus marquantes que d’autres, celle de Miles Teller est incontestablement de celles qui ne laissent pas indifférent. Les quelques-uns qui en furent témoins, en 2010 dans le film Rabbit Hole, se souviennent d’un jeune garçon, alors âgé de vingt-deux ans mais en paraissant seize ou dix-sept, assis sur un banc, tendant à Nicole Kidman une bande-dessinée tout en s’excusant d’avoir tué son fils dans un accident de voiture. Une drôle de balafre rayait sa joue gauche, sa voix éraillée paraissait lutter pour arriver jusqu’à nos oreilles, et ses yeux hésitaient entre l’arrogance de ceux qui veulent conquérir le monde et la détresse de ceux qui en connaissent le prix à payer— un petit quelque chose du John Cusack early eighties, en somme. Quoi qu’il en soit, on ne se souviendrait que de lui en repensant à cet honnête petit film indépendant américain.
Par la suite, il aura fallu être attentif pour le repérer dans quelques seconds rôles, certes toujours notables (dans Footlose, Projet X, Divergent, That Awkward Moment), ainsi que dans le beau The Spectacular Now, qui lui permit de gagner un prix d’interprétation à Sundance (ex-aecquo avec son amie Shailene Woodley) et un début de notoriété. Nouveau succès dans l’Utah, d’où il repartit avec le Grand prix en 2013 (avant une sélection à La Quinzaine des réalisateurs et un double prix à Deauville), Whiplash devrait assoir la réputation du jeune homme au-delà de son cercle de fans.
« Longtemps, je n’ai pas su que faire de ma vie »
Dans ce long-métrage de Damien Chazelle, Miles Teller — dont l’homonymie du prénom avec celui d’un célèbre jazzman américain responsable du « birth of cool » n’aura échappée à personne — interprète un apprenti-batteur de jazz sadisé par son professeur. La première condition pour décrocher le rôle était de savoir jouer un minimum de cet instrument : mission remplie depuis ses quinze ans. A cet âge-là, l’adolescent s’est déjà essayé au piano, au saxo et à la guitare, mais seule la batterie l’occupe plus d’un semestre. « Je jouais de la musique pour le plaisir, et n’ai jamais sérieusement envisagé d’en faire mon métier. D’ailleurs, longtemps, je n’ai pas su que faire de ma vie. J’étais un gamin un peu paumé, bon en classe sans faire d’effort mais indiscipliné. Certains profs m’avaient dans le collimateur parce que je ne pouvais pas m’empêcher de leur répondre. Si une bonne blague me venait en tête, impossible de résister, il fallait que je la fasse. Ca m’a valu pas mal d’heures de colle« . Toujours préférable aux humiliations de J.K. Simmons dans Whiplash…
Quand il n’est pas en retenue, il passe son temps « à zoner avec ses copains, à fumer des clopes et draguer sur des parkings, à faire du sport, et à jouer dans son groupe… ». Un groupe nommé The Mutes et dont John Bonham (Led Zeppelin), Keith Moon (The Who), Mitch Mitchell (Jimmy Hendrix) et Mickey Hart (Grateful Dead) sont les héros. Du rock seventies donc, plutôt que du jazz thirties. « Je n’étais pas aussi snob que mon personnage de Whiplash ! ». A cette époque, avoue-t-il, le cinéma ne compte pas vraiment pour lui, et les seuls films de chevet qu’il est capable de citer sont Le magicien d’Oz et The Garbage Pail Kids, un film pour enfants ayant récolté la jolie note de 0% d’avis positifs sur rottentomatoes.com. Il jure qu’il l’aimait sans ironie. Bref, son adolescence ressemble à n’importe quelle adolescence dans une petite ville banale de Floride.
Une audition calamiteuse… Mais réussie
Le déclic se produit à 16 ans, lorsque Miles joue dans le théâtre de son lycée une adaptation de Footlose (qu’il reprendra, heureuse coïncidence, au cinéma quelques années plus tard) : « c’est là qu’on a commencé à me dire que j’avais des facilités pour le jeu. Surtout, je suis devenu accro aux applaudissements » — déjà ce goût pour la gloire… Alors le bac en poche, il s’inscrit à la fac, près de chez lui. Mais un prof lui conseille de viser plus haut: pourquoi pas Yale, Julliard ou la NYU (New-York University) ? Après une audition qu’il croit calamiteuse, il est admis dans cette dernière, parmi les plus prestigieuses facultés du pays. Partisan du moindre effort, il hésite cependant à y aller, et c’est seulement lorsque sa mère et ses proches lui tombent dessus qu’il consent à faire ses valises: « évidemment je n’ai pas regretté ce choix« , affirme-t-il, « New-York est une ville parfaite pour s’épanouir« . Et voilà comment le clown de la classe se jette nez rouge le premier dans le grand bain du théâtre. Y souffre-t-il autant que son personnage dans Whiplash ? A part une vieille prof un peu pète-sec et sourde d’oreille qui lui hurle de répéter son texte plus fort, aucune brimade n’est à signaler. Côté cinéma, qu’il se vante d’étudier alors un peu sérieusement, il retient surtout… Scorsese. Est-ce vraiment plus pointu que Le magicien d’Oz ? Pas sûr.
« Nicole Kidman était très dure avec moi »
Alors qu’il est en dernière année, un intervenant qui se trouve également être un agent, lui conseille de passer un casting, bien que le règlement de l’école interdise à ses élèves de jouer dans des productions professionnelles. Il le réussit haut la main, et c’est ainsi qu’il se retrouve, sitôt son diplôme en poche, à jouer dans Rabbit Hole aux côtés de Nicole Kidman. « Sur le plateau elle était très dure avec moi, même entre les prises, parce que son personnage lui dictait ce comportement. N’étant pas habitué à cette méthode, j’étais déstabilisé : est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? Mais dès la fin du tournage, elle est venue me voir pour s’excuser. Depuis, à chaque que je la croise, elle est adorable« . C’est le métier qui rentre.
Depuis, il n’a cessé de travailler, « comme un fou » Sans doute pour se rattraper de son oisiveté adolescente (et parce que c’est la meilleure façon de réussir quand on n’a pas la gueule de Zac Efron), il enchaine les tournages, sans prendre de vacances. C’est même la première fois qu’il vient en France, précise-t-il, avant d’ajouter : « mais comment faites-vous pour manger autant de pâtisseries dès le matin ici ?« . Ses prochains films ? Bleed for this, biopic d’un boxer des années 80, Vinny Pazienza, produit par Martin Scorsese (les efforts de l’étudiant auront donc payé) ; et le reboot des Quatre fantastiques, qu’on négligerait volontiers s’il n’était réalisé par Josh Trank, le prodige responsable de Chronicle. Il nous informe en revanche que le biopic de John Belushi, qu’il était censé interpréter, est repoussé sine die. Dommage, il aurait été parfait dans le rôle, avec juste ce qu’il faut de bagout et malice dans le regard. Pour les poignées d’amour, en revanche, il devra encore s’enfourner quelques chouquettes matinales.