Les égéries choisies par la créateur londonien Craig Green pour sa campagne hiver ? Des radeaux de secours en pleine mer flottant sur des corps d’hommes, hautement symboliques.
Si certains choisissent de faire poser des stars (cette saison, le chanteur de Depeche Mode Dave Gahan chez Dior Homme, le réalisateur Pedro Almodovar chez Prada) ou célèbrent la famille moderne (le couple gay star d’Instagram Kordale et Kaleb Lewis et leurs quatre enfants chez Acne Studios), d’autres préfèrent jouer la carte du symbolisme.
A première vue, la campagne automne-hiver 2017 du créateur londonien Craig Green ne fait figurer ni vêtements ni mannequins: des radeaux en bois coloré, recouverts de bâches en plastique gonflées par une mer agitée, naviguent sur des eaux sombres. Mais sur l’une des images, un poignet se détache de la masse trempée ; sur une autre, une silhouette d’homme courbé se dessine.
« Un autel symétrique composé d’hommes emmitouflés »
Conçue en prolongement de son défilé en février dernier, où les modèles apparaissaient affublés de vestes façons gilets de sauvetage sur une bande-son de radar, la campagne fait écho au thème de la collection du créateur prodige de la fashion week homme de Londres, la peur de l’eau.
Pour illustrer cette phobie, Craig Green s’est tourné vers le photographe Dan Tobin Smith, plus habitué des natures mortes que des clichés de mode, choisi par le créateur pour son approche toujours scientifique de ses sujets. « On s’est dit qu’on voulait créer un radeau, une sorte de radeau de secours » raconte Craig Green à Dazed. « Comme un autel symétrique, mais composé d’hommes emmitouflés, que l’on shooterait directement sur l’eau. »
Inspiré à la fois par l’Homme de Vitruve, célèbre dessin de Vinci, et des représentations des divinités hindoues, les « radeaux humains » ont été pensés comme un hommage à l’effort commun, sorte d’illustration corporelle de l’adage « l’union fait la force ». Mais la mer déchaînée, les teintes sombres, les quelques membres soudainement apparents et l’absence de visages confèrent aux visuels une atmosphère plutôt inquiétante.
Peur de la mer et de l’inconnu ? Référence à l’isolement des pêcheurs, séparés de leur famille durant des mois, point de départ de la collection du créateur ? Ou hommage à la crise des migrants et aux photos chocs qui filtrent dans la presse? Craig Green se défend de donner un sens précis à ses collections, rapporte Dazed, préférant laisser à chacun sa liberté d’interprétation. Pourtant connu pour la dimension hautement politique de ses défilés, le créateur londonien choisit de ne pas se mouiller. Les images valent-elles toujours mieux qu’un long discours ?