Serge Comte, artiste
Parmi tes activités artistiques, la vidéo occupe une place importante. Quel est ton rapport au cinéma ?
Je suis très détaché du cinéma, je crois que je ne vois même plus les affiches dans la rue. Je ne suis pas cinéphile, ni discophile, ni artophile : quand tu as trop l’habitude d’une chose, d’une pratique culturelle, tu perds ton jus et tes émotions. C’est un trop-plein, on est gavé de cinéma, et je n’arrive pas à me dire qu’il y a des bons films chaque semaine. C’est comme les disques, il y a trop de choses. Des envies récentes ? Les Idiots, de Lars von Trier, ou encore Jeanne et le garçon formidable. Mais j’ai au cinéma les mêmes problèmes qu’avec le roman : je n’ai pas besoin qu’on me propose de l’imagination, et donc j’ai du mal à suivre les gens, à me concentrer sur l’histoire. En général, j’aime les émotions très fortes parce que très douces, ou sensuelles, les choses fines, ou alors complètement loufoques, avec beaucoup d’autodérision. J’aime beaucoup les Monty Python et l’un de mes films préférés est La Soupe au chou : je sais, c’est bizarre, et d’ailleurs quand le film est sorti, je pensais que c’était vraiment une connerie. Mais je l’ai vu un peu plus tard, et j’ai trouvé très sensible et complètement folle cette connexion entre les extraterrestres et les bouseux. J’aime aussi beaucoup le film d’Ange Leccia et Dominique Gonzalez-Foerster, Ile de Beauté, et en particulier la dernière séquence toute bleue avec seulement la chanson de Christophe, Le Tourne-coeur. J’aime des trucs tellement sans intellect que, vu de l’extérieur, ça peut paraître vraiment con.
Quel est le domaine culturel qui t’est le plus étranger ?
Assurément la lecture. Je ne lis jamais, même pas de magazines ou de journaux, je les survole en regardant les images, mais je n’arrive pas à me concentrer sur les signes. Très vite, je pense à autre chose. Il y a quand même un essai qui m’a beaucoup marqué, c’est Flatland d’Edwyn A. Abbott, un livre écrit à la fin du XIXe siècle. C’est un essai mathématique et poétique complètement délirant. Mais généralement, je suis complexé face aux livres, paniqué : je ne sais pas aller dans une bibliothèque, je ne sais pas flâner parmi les livres. Je n’ai même aucun intérêt pour l’objet livre, j’aime la sensualité, mais je ne la trouve pas là-dedans. C’est comme la poésie : il y a trop de questions de technique, ou d’anti-technique.
Tu sembles plus à l’aise avec la musique.
C’est vrai, mais pas n’importe comment. Je ne supporte plus l’idée d’une musique de fond qu’on met en marche dès qu’on rentre chez soi. Je suis plutôt dans une relation d’écoute, et j’entretiens des émotions très fortes avec quelques chansons, ou un album bien particulier. Par exemple, de Dominique A j’aime La Fossette : cet album et aucun autre. Il y a là une sensibilité qui m’a touché et qui m’a permis de me lancer, de faire des choses. Je ne suis pas pour les discographies, je n’ai pas l’idée d’avoir tous les albums d’un groupe. Et d’une manière générale, je n’aime pas trop les albums : je préfère les CD 2 titres… Evidemment, il y a aussi Jean-Louis Murat, et en particulier Le Manteau de pluie, L’Ephémère, mais là c’est un rapport presque religieux avec ça. Et aussi Michael Franks, également très sensuel, qui porte avec lui beaucoup d’émotion et un humour très léger. Le premier disque qui m’ait vraiment marqué était un album d’Anne Sylvestre que j’écoutais à 5 ans, un des tout premiers, qui m’a encore touché quand je l’ai réécouté plus tard. Je crois que j’ai conservé cet attachement à la chanson douce et à la voix.
Tu t’es isolé en Islande pendant plusieurs mois. Tu y as fait des découvertes nouvelles en musique ?
Je connais l’Islande depuis assez longtemps maintenant et il y a des choses que j’aime bien : Luftgitar des Sugarcubes, qui est une fusion entre plusieurs créations, avec la présence de Björk et d’un poète islandais au sein du groupe. J’apprécie aussi Spiel Verk, un groupe presque baba de la fin des années 70. Et puis là-bas, j’ai beaucoup écouté un vieux disque de Marvin Gaye, What’s going on. Plus récemment, j’ai aimé Alpha, Jay-Jay Johanson, Motorbass, Daft Punk, mais ce sont des disques qui m’occupent pendant un mois et après ça passe. Cet été en Islande, j’ai fait le ménage dans mes disques. En fait, j’aimerais ne garder qu’une vingtaine de titres, les intouchables. Je ne suis pas très porté sur les archives, je trouve débile la volonté de posséder un objet et j’ai toujours en tête l’idée de partir vite.
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