Le conseiller politique d’Alain Juppé se distingue sur Twitter où il n’hésite pas à commenter l’actualité sur un ton très sarcastique. « Bras gauche » du maire de Bordeaux ou sniper en chef, qui est Gilles Boyer ?
Nous ne savions pas à quoi nous attendre en rencontrant, en ce début du mois de décembre, Gilles Boyer, le conseiller politique d’Alain Juppé. Allait-on seulement le reconnaître ? Il le dit lui même en se présentant : “Je suis un homme de l’ombre.” Absent des plateaux politiques des chaînes d’infos en continu, Gilles Boyer se distingue sur Twitter où il flingue à tout va. Et quand on l’attaque, l’homme de 43 ans n’hésite pas à répondre. Bref, après quelques minutes, nous voilà rassurés. Sa ressemblance avec le maire de Bordeaux et candidat déclaré à la primaire UMP en vue des présidentielles de 2017 est frappante. Gilles Boyer, tout comme Alain Juppé, maîtrise l’humour à froid.
Dans #Capital, reportage sur les bûches. @csaudiovisuel devrait le décompter sur le temps de parole du @partisocialiste
— Gilles Boyer (@GillesBoyer) 7 Décembre 2014
On aurait pu croire qu’après son festival lors de l’élection à la présidence de l’UMP, (“Il faut se féliciter de ce grand moment démocratique. Ah non merde, c’est mon tweet de demain”) Gilles Boyer se ferait rappeler à l’ordre par l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac. Il n’en fut rien. Alors, il enchaîne : Benoît Hamon, François Hollande, Manuel Valls, la dernière miss France ou Samir Nasri, tout le monde y passe. “Jusqu’à présent, il ne m’a jamais reproché aucun tweet. Je ne suis même pas sûr qu’il me lise”, se justifie Gilles Boyer.
Alain Juppé et lui se sont rencontrés en 2002, au moment de la création de l’UMP. Ils ne se quittent plus depuis : nommé directeur de cabinet à la mairie de Bordeaux entre 2002 et 2004, puis de 2006 à 2008. Il n’y a eu qu’un arrêt entre 2004 et 2006, quand Alain Juppé part au Québec après sa condamnation à 1 an d’inéligibilité dans l’affaire des emplois fictifs du RPR. “Il a assumé un système, défend-il, ça lui a coûté cher mais ça lui a sûrement rapporté sur le long terme.” Enfin, ils se retrouvent au ministère de la Défense (2010-2011) puis au Quai d’Orsay (2011-2012) et aujourd’hui, la préparation de la campagne pour les primaires de l’UMP.
“Il n’arrête pas de dire du mal de moi”
Edouard Philippe, le maire UMP de Havre connaît bien le tandem pour avoir été membre du cabinet d’Alain Juppé à l’écologie et avoir écrits deux livres avec Boyer. Il atteste : “Tout le monde ne comprend pas l’humour de Gilles et ça peut lui poser parfois de petits problèmes.” Nicolas Sarkozy, le nouveau patron de l’UMP fait visiblement partie de cette catégorie. L’Obs raconte que l’ancien président de la République s’est plaint auprès d’Alain Juppé lors d’un déjeuner, le mercredi 3 décembre. “Il n’arrête pas de dire du mal de moi” a reproché Nicolas Sarkozy. Ce à quoi Alain Juppé aurait répondu : « Je ne vais pas tenir la plume de mes collaborateurs, il fait ce qu’il veut. »
Attaques et contre-attaques
Boyer et Juppé semblent très proches. “Ils ont une confiance absolue l’un dans l’autre et une grande liberté de ton”, raconte Edouard Philippe. Alain Juppé n’a jamais de bras droit ? Aucun problème pour Boyer, il sera son bras gauche, comme l’indique sa bio Twitter. “Il fait le think, je fais le tank.” “Il a aussi le sens de la formule”, complète Edouard Philippe. Ce qui peut parfois agacer. Selon Le Point, Boyer est considéré comme “encore plus cassant, psychorigide et hautain que son patron” par des cadres de l’UMP.
Mais l’homme de l’ombre aspire de plus en plus à la lumière. “Mon job, c’est de faire d’Alain Juppé le prochain Président de la République”, justifie Boyer. Les arguments sont fourbis : « Cela fait 25 ans qu’il a une tête de président ! » Quand on lui rappelle les grèves de 1995 et un Alain Juppé critiqué pour être resté « droit dans ses bottes » : « Aujourd’hui, c’est devenu une qualité! ». Il ne s’inquiète pas de la capacité de son candidat à surfer sur sa popularité du moment, jusqu’à l’échéance des primaires en 2016 : « On me parlait d’une popularité à la Jean-Jacques Goldman ou Mère Teresa, que ce n’était pas électoral. On trouvera toujours quelque chose à nous dire. »
« J’ai fait un petit blog »
Enfin, certaines voix s’interrogent en coulisses quant aux véritables relations qu’entretiennent Gilles Boyer et Alain Juppé. Il y a par exemple l’épisode de la déclaration de candidature à la primaire UMP d’Alain Juppé, à la fin du mois d’août. Le maire de Bordeaux ne le prévient pas. « Je l’apprends dans ma chambre d’hôtel à Boston. A mon réveil, je reçois 32 sms et 19 messages vocaux, le premier c’était celui d’Alain ». « J’ai fait un petit blog », voilà tout ce qu’a reçu Gilles Boyer. N’est-il donc qu’un simple “collaborateur” ? Il s’en défend :
“Je n’ai jamais caché qu’il ne me l’avait pas annoncé. L’important, c’est de lui avoir donné tous les paramètres pour qu’il prenne sa décision, pas d’avoir été prévenu avant.”
Un argumentaire qu’il conclut toujours par une bonne formule : “Je préfère qu’il se déclare sans me prévenir plutôt qu’il me prévienne qu’il ne se déclare plus”. Encarté au RPR depuis 1997, puis à l’UMP depuis 2002 (“avec interruptions”, précise-t-il), Gilles Boyer est un homme de réseau. Proche des ex-chiraquiens parmi lesquels le conseiller de Bruno Le Maire, Jérôme Grand d’Esnon et l’ancien préfet de la région Aquitaine et désormais proche de François Fillon, Patrick Stefanini.
Gilles Boyer a ouvert sa boîte de communication, baptisée Brainstorm. Une façon de préparer l’après 2017 ? En politique, sur le devant de la scène, comme l’a fait son ami Edouard Philippe ? Il balaye : “D’abord je voudrais l’aider à être élu », assure-t-il, « après je ne sais pas si j’aurais envie de continuer à m’investir ”. Il y a bien eu une candidature sur la liste dissidente de Pierre-Mathieu Duhamel à Boulogne-Billancourt, lors des municipales de 2014. Sans succès.
“Rester zen en toute circonstance”
Au final, Gilles Boyer nous parlera peu de sa relation avec Alain Juppé. “D’Alain Juppé, j’ai appris que tous les sujets sont compliqués, que ce n’est jamais noir ou blanc, qu’on a tout à gagner à avoir des positions modérés sur de nombreux sujets. J’ai aussi appris à rester zen en toute circonstance et de ne pas m’énerver à la moindre occasion.”
On l’aura compris, quand il n’écrit pas un nouveau roman de fiction politique – il en a déjà écrit deux avec Edouard Philippe et un troisième est en préparation – Gilles Boyer utilise Twitter et ses messages de 140 signes comme un exutoire. « En politique, on n’est jamais fini. Regardez-moi » a déclaré Alain Juppé en mars dernier -ce qui lui valu le grand prix de l’humour politique en 2014. Gilles Boyer likes this.