A l’occasion du Mondial, un grand nombre d’expos sont consacrées aux liens entre art et football. Quitte à faire n’importe quoi.
Le choix de l’informe Footix était une première chose, mais on ne demande pas à Platini et ses hommes de faire dans l’esthétique, encore moins à Aimé Jacquet, l’ennemi numéro un des gens de goût. Mais les mauvaises idées concernant le Mondial viennent aussi du milieu de l’art et se multiplient : l’affreux graffeur Darco (affiche d’IP5 de Beineix, fresque du Roi lion au grand Rex, déco intérieure du Virgin du Louvre…) commet à Nantes « un Graff pour la Coupe du monde ». Tout le monde essaie d’en profiter et d’attirer la foule, plus ou moins bien : le Web-Bar s’y colle aussi, le centre d’art d’Echirolles, la Biennale photo de Montpellier, Helen Sturtevant chez Air de Paris, Roderick Buchanan chez Praz-Delavallade, Malik Benmassoud à Marseille et son joueur de baby-foot haut de 5 mètres ! De fait, les artistes sont nombreux à avoir puisé dans le foot et le sport en général des formes et des couleurs, de Nicolas de Staël à Jeff Koons. Mais dans une volonté chaotique de rejoindre le grand public, de prouver que l’art moderne et contemporain est accessible à tous, on fait aussi n’importe quoi. A l’occasion du Mondial, on vise surtout le retentissement médiatique, on fait dans la démagogie, on réduit l’artiste au rôle d’illustrateur, d’animateur culturel de la Coupe du monde. Ainsi la galerie Enrico Navarra réunit 80 artistes autour du Mondial, et pas des moindres : César, Thomas Grünfeld, Jeff Koons, Jean-Pierre Raynaud. Pierre Joseph répond aussi à l’appel et montre une carte du monde dont on ne sait pas vraiment ce qu’elle a à voir avec le foot oeuvre exposée parallèlement sur le site Web des Inrocks. Arman s’est fendu pour l’occasion d’une navrante accumulation de Footix. Dans le catalogue, on trouve même Nicolas Bourriaud, d’ordinaire plus avisé, auteur d’un texte brillant mais dont la présence étonne au sein de cette mascarade folklorique. Hormis la terrifique « Coupe du monde des robots footballeurs » organisée à La Villette, le comble est atteint, hélas, par Fabrice Hybert. Dieu, qui est rond comme un ballon, sait pourtant combien les Inrocks sont attachés à son oeuvre plastique. Hybert présente dans plusieurs Fnac de Paris son ballon carré, un des fameux Prototypes d’Objets en Fonctionnement. Jusque-là, tout va bien. Mais était-il obligé de constituer une Sélection officielle Fnac 98 avec Jean-Louis Aubert, Zazie, Enzo Enzo, Jeanne Moreau, Karl Zéro, Marek Halter, Dan Franck… ?
A l’inverse de ces foirades, Vidéoz’arts et ZOO galerie de Nantes réussissent l’impensable et montrent sur les écrans géants de la Coupe du monde des vidéos d’artistes : Uri Zaig et ses matchs de foot avec deux ballons, Pierrick Sorin, Jacques Julien en gardien de but, Pascal Rivet caricaturant Cantona. Un regard parfois plastique, souvent critique, posé sur le football, et surtout une démarche osée qui a le mérite d’aller rencontrer à Nantes, Bordeaux, Marseille et Paris, le public des stades.