Quelques groupes de graphistes continuent aujourd’hui de défendre l’affiche militante : Nous Travaillons Ensemble, les Graphistes Associés et Ne Pas Plier, associations hors norme de regardeurs du social.Une manif dans Paris et une quinzaine de personnes qui avancent derrière deux banderoles jointes : « Existence-Résistance ».
Un cri d’alerte sonore (ça rime comme une moitié d’alexandrin) lancé par Ne Pas Plier, association de graphistes, photographes et chercheurs d’images autoproclamée « l’Internationale la plus près de chez vous ».
Le fondateur du collectif, Gérard Paris-Clavel, est un ancien de l’atelier populaire des Arts déco et cocréateur de Grapus, tête chercheuse du graphisme français des années 70 à 90. Il a lancé Ne Pas Plier en 1991 pour trouver des signes à la misère et créer un vocabulaire graphique à la mesure de l’exclusion sociale et de la peur des petits. Une recherche artistique et morale, guidée par des principes tout droit issus des ateliers d’affiches de mai : travail collectif, anonymat des productions, dons des oeuvres à des manifestants. Et un style dépouillé, une affiche se réduisant parfois à un simple texte : « A Ne Pas Plier, on se retrouve souvent par nécessité avec un style proche de 68, par économie de moyens. On travaille le mot en même temps que l’image. L’économie de moyens du travail militant amène une certaine forme d’expression. »
L’atelier de l’association regorge de tracts, d’affiches, de pancartes, de projets en cours, de photos de vieilles manifs et de travaux de copains. Un foisonnement brouillon qui a valu au collectif son surnom d' »épicerie d’art frais » : un self-service à idées au dernier étage d’une tour d’Ivry-sur-Seine, en banlieue parisienne. Assis à une table de travail, Paris-Clavel refuse de poser au héros militant. En lettres jaunes sur fond rouge, son affiche « Utopiste debout » est devenue au fil des ans et des mobilisations une affichette, un carton, un petit autocollant, une carte postale… formes multiples pour une action discrète sur la durée. Des petites taches de colère dans le vacarme graphique et publicitaire des mobilisations d’aujourd’hui :
« Des groupes comme la JC ou Act-Up travaillent sur le résultat, sur l’effet. Pas sur la durée. Mais les idées ont besoin de temps. La technique des coups médiatiques tue la mémoire parce qu’il y a toujours un coup plus fort. Ça n’a aucun intérêt. »
Revers de la médaille : très peu connaissent l’existence de Ne Pas Plier en dehors des réseaux de militants pour les chômeurs et l’Algérie. « On accompagne nos images dans les manifs. La diffusion fait partie de la création de l’affiche », répond le graphiste, assis devant des photos de chômeurs prises par Marc Pataut pour NPP. Des gros plans de regards asphyxiés, de membres noués et de morale qui flanche. Un travail humaniste jamais exposé en dehors d’une manif ou du cadre d’un théâtre, pour ne pas ajouter au vacarme général. Dure discipline que Paris-Clavel aère pourtant d’une saillie joyeuse : « 68 a été généré par le plaisir. Si militer ça fait souffrir, alors je freine. Ça, c’est une vision de curé. Tu peux militer et jouir. »
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Jade Lindgaard
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