Kora corps. Janis Joplin accompagnée par le plus noble des instruments africains : telle est l’idée maîtresse et inédite d’un premier album souvent séduisant et parfois encombrant. L’attraction entre musique américaine et mandingue mise au jour par les albums associant Ry Cooder et Ali Farka Touré d’une part, Hank Jones et Cheick Tidiane Seck de […]
Kora corps. Janis Joplin accompagnée par le plus noble des instruments africains : telle est l’idée maîtresse et inédite d’un premier album souvent séduisant et parfois encombrant.
L’attraction entre musique américaine et mandingue mise au jour par les albums associant Ry Cooder et Ali Farka Touré d’une part, Hank Jones et Cheick Tidiane Seck de l’autre laissait augurer de futurs croisements. Janice deRosa a grandi à Harlem, nous dit la biographie. Un privilège pour une jeune femme blanche. On remarque dans la texture granuleuse de sa voix des imperfections d’après lesquelles se devine l’authenticité, comme se lit à coup sûr la qualité du vécu. Madame deRosa n’imite pas Janis Joplin mais, sans vouloir la flatter ni chercher à l’écraser sous la référence, il est difficile de ne pas trouver dans cette façon de feuler la mélodie une correspondance et d’y projeter bien des choses : vie nocturne, alcool fort, tabac à fumer, poudres à priser, love stories dépenaillées. Le monde dont elle est issue oblige les femmes à cicatriser vite, à forcir de l’ego et à jurer comme les mecs. Sa voix est l’oriflamme d’un tempérament qui porte en terre une certaine part de féminité. Voilà qui suffit à rendre intéressante puisque paradoxale sa rencontre avec la kora, l’instrument le plus fé-minin du continent africain. A mi-chemin entre le luth et la harpe, la kora jouit d’un statut particulier. Elle est la compagne fétiche des griots et son histoire nous fait remonter à la naissance de l’Empire mandingue auXIIIème siècle, à Kansara, un village de la Guinée-Bissau. D’où nous vient cette légende ? Un soldat de Soundiata Keita fondateur de l’empire tombe amoureux d’une femme du village et tente de se faire aimer d’elle. Il use de la géomancie et croit parvenir à ses fins, lorsque, au moment de la saisir, elle se transforme en instrument de musique. Ainsi naît la première kora. Les veinards qui posséderaient chez eux certains albums de Toumani Diabaté savent de quel insaisissable enchantement il peut s’agir. La kora, c’est le métier à tisser des songes.
La présence du koriste guinéen Djeli Moussa Diawara fêté ici il y a deux ans lors de la sortie de son album Sobindo (Mélodie) confère immédiatement au projet une certaine crédibilité. Apprécié pour sa technique d’une extrême fluidité, ce demi-frère de Mory Kanté l’est aussi pour sa capacité à accommoder son instrument et son bagage musical à d’autres modes, salsa ou flamenco.
D’abord envisagé comme un pari malin, le disque devient vite source de plaisir. Du moins tant que le concept s’efface devant l’esprit nomade qui fit se rencontrer à Paris, voilà quelque temps, le jeune griot virtuose et la chanteuse rompue au répertoire jazz-blues et en recherche d’exit. C’est leur flash réciproque qui dote d’un charme à part cet album dont les instants clés Three wishes en particulier ne sont pas sans évoquer le côté en roue libre, vénusien, d’un Tim Buckley. Dommage qu’un certain systématisme en fasse apparaître les limites. Dans Naffile notamment la plus longue des dix séquences le ravissement propre à la kora se heurte à un exhibitionnisme vocal bien américain. Dans ces moments-là, Janice deRosa ressemble à l’image un peu vulgaire qu’elle offre d’elle sur la pochette. Si l’on frôle parfois le cliché que le titre Afro blues n’évite sûrement pas , l’ensemble est pourtant de nature à ravir les amateurs de blues dont la passion fanait faute d’imprévu.
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