Lundi 15 décembre, 17 personnes ont été prises en otage dans un café à Sydney. Leur ravisseur demandait que le drapeau de l’Etat islamique lui soit amené. L’assaut a été donné au bout de 16 heures. Bilan : quatre blessés et trois morts, dont il fait partie. Portrait d’un homme « isolé » et « instable ».
Accusé d’avoir organisé le meurtre de son ex-épouse, de harcèlement sexuel envers une cinquantaine de femmes, et condamné pour l’envoi de lettres d’insultes à des familles de soldats tués en Afghanistan, Man Haron Monis, 50 ans, s’était également autoproclamé cheikh et défenseur de l’Etat islamique sur son blog.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le preneur d’otagse de Sydney était, de fait, bien connu des services de polices australiens. Un homme « dérangé » et « isolé » selon son avocat, Manny Conditsis, avec une « idéologie tellement forte et puissante » qu’elle obscurcissait « son jugement, son sens commun et son objectivité. »
Réfugié politique iranien
On ne sait pas grand-chose de son passé en Iran. A 32 ans, Manteghi Bourjedi quitte son pays pour entrer en Australie comme réfugié politique. Il change alors de nom, devient Man Haron Monis et se qualifie de « cheikh ». Une supercherie qui sera dénoncée en 2007 par la communauté musulmane du pays quand il fait parler de lui pour la première fois.
Il y a sept ans, il avait en effet écrit au père d’un soldat que son fils était « mort pour rien » en « faisant le mal » en Afghanistan. Une missive qu’il avait qualifié de « lettre de sympathie« , à laquelle il s’était ensuite publiquement étonné de ne pas avoir eu de réponse. Le président de la Fédération australienne des conseils islamiques, Ikebal Patel, avait alors partagé son irritation au journal The Australian : “Nous faisons actuellement des recherches sur ce cheikh mais il ne semble pas exister. J’ai été voir tous les leaders de notre communauté, personne ne sait rien sur lui. S’il veut exercer sa liberté de parole, qu’il le fasse en son nom.”
« Un besoin désespéré d’attention »
Richard Kerbaj, le journaliste qui avait recueilli les propos de M. Patel ajoutait à l’époque que Man Haron Moris semblait « avoir désespérément besoin d’attention » puisqu’il envoyait « régulièrement des fax pour promouvoir ses sites internet à toutes les rédactions« , la sienne y compris.
Man Haron Moris continuait par ailleurs d’envoyer des lettres d’injures à des familles de soldats tués au combat en Afghanistan. Cette campagne de haine lui avait valu d’écoper de 300 heures d’intérêts généraux en 2009. Une condamnation contre laquelle il avait protesté en se tenant enchaîné devant le tribunal avec un drapeau australien. « J’étais outré par son comportement » a déclaré maître Chris Murphy à la BBC. L’avocat avait dès lors refusé de continuer à plaider pour Monis.
Complicité de meurtre et harcèlement sexuel
En novembre 2013, il est de nouveau poursuivi par la justice. Il est accusé d’avoir organisé le meurtre de son ex-femme, Noleen Hayson Pal, poignardée a plusieurs reprises. Monis et sa nouvelle compagne sont suspectés, mais en l’absence de preuves irréfutables, les charges ont été abandonnées au grand regret de la famille de la victime.
En avril dernier, une femme l’accuse de l’avoir agressé sexuellement alors qu’il se faisait passer pour un « guérisseur spirituel ». En six mois, une cinquantaine de victimes présumées ont également porté plainte pour des faits similaires, survenus depuis le début des années 2000. Monis devait comparaître sur ce dossier en début d’année prochaine. Il maintenait que ces accusations avaient un but politique caché et se comparait à Julien Assange.
« Rien à perdre »
Son avocat, Maître Conditsis, a livré son éclairage à la chaîne ABC :
« Sachant qu’il était en liberté conditionnelle, que pesaient sur lui des charges très sérieuses, je pense qu’il devait se dire qu’il n’avait rien à perdre. […] Il a vécu des moments difficiles en prison. Sa cellule et son corps ont été recouverts d’excréments. […] D’où cette prise d’otages. Un geste monstrueux et désespéré. […] Il l’a fait seul, ce n’était pas le fruit d’une concertation terroriste. C’était un homme dérangé qui a fait quelque chose d’horrible. »
Son profil Twitter montre son allégeance récente à l’Etat islamique. Il y relayait régulièrement des propos tels que : “Quand l’Arabie saoudite décapite 70 personnes par an, l’Amérique se tait et n’attaque pas l’Arabie saoudite« , « l’islam est contre le terrorisme mais l’Amérique ne l’est pas. L’Amérique ne parle pas de ces terroristes. » ou encore « Voici des preuves du terrorisme américain et de ses alliés dont l’Australie« .
When Saudi Arabia carries out more than 70 beheading a year, America is quiet and does not attack Saudi Arabia…. http://t.co/NCAyd1Xi3E
— Sheikh Haron (@Sheikh_Haron) November 23, 2014
Islam is against terrorism but America is not. America is quiet about these terrorists…. http://t.co/AZbV6psblA
— Sheikh Haron (@Sheikh_Haron) November 25, 2014
An evidence for terrorism of America and its allies including Australia. http://t.co/6zMcEjb0XV
— Sheikh Haron (@Sheikh_Haron) November 26, 2014
La tragédie aurait-elle pu être évitée ?
La question qui agite l’Australie désormais est de savoir pourquoi un tel individu n’était pas sous étroite surveillance. Interrogé par Reuters, Greg Barton, directeur du Centre de recherche sur le terrorisme mondial à l’université Monash de Melbourne, a déclaré : « Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une erreur ou d’un manquement. Je pense simplement qu’on est face à la terrible réalité que représente cette forme de menace« .
Il a insisté sur le fait qu’il est impossible de surveiller tous les individus représentant potentiellement une menace. Selon lui, le manque de moyens dévolus à l’antiterrorisme pousse les unités concernées à mettre la priorité sur les groupes suspectés d’attentats spectaculaires, plutôt que sur des personnes isolées.
{"type":"Banniere-Basse"}