A la fin des années 70, le Belfast musical était dans un coma profond. Jusqu’à ce qu’un certain Terri Hooley décide de le réveiller en ouvrant son magasin de disques : Good Vibrations.
A la fin des années 70, comme le chantait le groupe Stiff Little Fingers dans Alternative Ulster, il n’y avait « rien pour nous à Belfast » : la violence était là depuis maintenant presque dix ans, rares étaient les groupes qui venaient jouer en ville. Pas tout à fait morte, Belfast était néanmoins dans un coma profond.
Dans ces années-là, un gars d’une bonne vingtaine d’années rentre chez lui à pied de son boulot sur les docks. Une voiture s’arrête. Un type armé veut le forcer à monter. Il parvient à s’échapper et la voiture disparaît. Comme beaucoup de gens de son âge à cette époque, ce gars du nom de Terri Hooley a bien failli être la victime d’un assassinat sectaire. Il s’est alors dit « Quitte à mourir, autant mourir en faisant un métier qui me plaît. »
Terri Hooley a ouvert un magasin de disques. Une boutique située au premier étage d’un immeuble de Great Victoria Street aujourd’hui l’un des axes du nouveau centre , alors une rue déserte peuplée de concessionnaires automobiles et d’entrepôts bombardés. Il l’appela Good Vibrations, d’après le titre d’un morceau du plus bel album jamais sorti, le Smile des Beach Boys. Sur la rue à l’extérieur, il installa une silhouette en carton d’Elvis.
Terri Hooley était fan de reggae, mais Good Vibrations ouvrit alors qu’explosait le punk à Londres et Manchester. Le magasin de Terri était le seul endroit où l’on pouvait trouver ces disques et ces fanzines, c’était le lieu où traînaient les gamins qui venaient de former leurs propres groupes. Non content de les vendre, très vite Terri s’est mis à sortir des disques. Le premier single du label Good Vibrations fut Big time de Rudi. Suivi d’autres, du sublime Protex et du plus grand groupe à parkas de tous les temps, les Undertones dont le Teenage kicks, que Terri fut le premier à publier, reste à ce jour le disque préféré du grand DJ anglais John Peel.
Un documentaire tourné à l’époque, Shell-shocked rock, montre Terri au comptoir de son magasin un exemplaire de Big time à la main, criant « On peut le faire ! Pas besoin de Londres ! » Dix ans plus tard, la violence avait diminué, les groupes revenaient jouer en ville. Un soir, je suis allé à l’école des beaux-arts voir jouer Sonic Youth. Sur scène, ils ont avoué qu’à leurs débuts ils avaient vu un incroyable documentaire, Shell-shocked rock, et qu’ils avaient toujours depuis voulu venir jouer ici. Ils ont demandé au public s’il savait qui étaient les types qu’on voyait dans le documentaire. Une bonne partie du public était ces types qu’on voyait dans le documentaire.
Aujourd’hui, on a un Virgin Megastore à Belfast, on a un Our Price, un HMV. Elvis n’est plus sur Great Victoria Street (Terri l’a brûlé et a dispersé ses cendres), mais il y a un nouveau Good Vibrations près de la mairie. Terri est toujours là. Et sa nuit d’hommage à Bob Marley reste l’une des meilleures fêtes de l’année.
Glenn Patterson