Derrière la décision du gouvernement d’interdire UberPop se cache une envie de restreindre, plus largement, l’activité des VTC. En coulisse, une guerre d’influence fait rage entre taxis et VTC pour faire pencher le législateur de leur côté.
Il a suffi de quelques heures pour que le gouvernement réagisse. A peine les taxis ont-ils commencé à manifester dans la capitale ce lundi 15 décembre que le gouvernement répondait, par la voix du porte-parole du ministère de l’Intérieur, Pierre-Henry Brandet, sur iTélé.
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« La loi qui a été votée et portée par le gouvernement de réglementation de la profession de taxi, des VTC [voitures de transport avec chauffeur], qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain, est encore plus contraignante pour ce genre de sociétés. »
L’application UberPop sera-t-elle interdite en France? “Absolument”, répond le porte-parole, trois jours après que le tribunal de commerce de Paris a refusé de la bannir sur le territoire français. UberPop est un service, accessible via l’application Uber, qui permet à n’importe quel particulier de transporter des clients dans sa propre voiture, sans disposer de licence, d’assurance ou de formation. Les tarifs pratiqués sont souvent moins élevés que ceux des VTC classiques (comme Uber en propose également), qui roulent le plus souvent en grosses berlines noires, et dont les chauffeurs ont suivi une formation de plusieurs dizaines d’heures.
L’influence des taxis
Immédiatement après l’annonce du gouvernement, l’Union nationale des taxis (UNT) s’est fendue d’un communiqué pour se réjouir de l’interdiction programmée de UberPop. Le syndicat, puissant, affirme avoir clairement insisté auprès de l’exécutif pour avoir gain de cause. « Dès vendredi, nous sommes intervenus auprès du gouvernement pour qu’il assume clairement ses responsabilités et interdise tout service permettant le travail clandestin en France », a souligné le président de l’UNT Alain Griset.
L’arrivée du service UberPop en France en février 2014 avait déchaîné les passions des taxis et VTC, qui s’étaient pour la première fois alliés pour faire interdire le service. Les entreprises de VTC LeCab et Voxtur s’étaient plaintes de « concurrence déloyale » devant le tribunal de commerce, tandis que l’Union nationale des taxis (UNT), avait accusé UberPop de « travail clandestin ».
Vendredi 12 décembre, le tribunal avait décidé que le service n’était pas « officiellement » interdit mais qu’il était censé « respecter la loi« . UberPop avait déjà été condamné en octobre 2014 par le tribunal correctionnel de Paris à 100 000 euros d’amende, pour avoir présenté son service comme du « covoiturage », alors qu’il s’agit d’une offre payante de transport de particuliers.
Le décret d’application sur lequel tout repose
L’annonce du gouvernement de ce lundi n’a qu’un seul but : faire cesser les « opérations escargot » lancées par les taxis dans la capitale et éclaircir les zones d’ombre de ce long conflit qui oppose taxis et VTC.
Car la décision du tribunal de commerce, de ne pas interdire UberPop, repose sur un seul élément : le décret d’application de la loi Thévenoud qui n’a pas encore été pris. La loi, définitivement votée le 18 septembre, devait apaiser les conflits entre taxis et VTC. Mais sans décret d’application, la loi Thévenoud reste très généraliste et peut être contournée, comme nous l’avions montré dans les Inrockuptibles en octobre dernier.
>> À lire : pour comprendre le conflit autour de la guerre Taxis/VTC >>
L’absence de précision de la loi Thévenoud permet, par exemple, aux chauffeurs de VTC de ne pas retourner à leur base (les quartiers généraux de l’entreprise) entre deux course, alors que c’est l’un des buts de la loi.
Bataille en coulisses
Aussi, une bataille « en coulisses » est en train de se jouer entre le cabinet du ministère de l’Intérieur, chargé de mettre en place le décret d’application, et les VTC et taxis qui essaient chacun de faire pencher la balance en leur faveur.
Vendredi, le président de l’UNT Alain Grisait nous affirmait que le décret d’application de la loi Thévenoud ne serait « pas mis en œuvre avant janvier 2015« . Aujourd’hui, le calendrier a été avancé par le gouvernement (le décret doit être effectif au 1er janvier 2015), notamment à cause de la décision du tribunal de commerce vendredi, qui a remis de l’huile sur le feu entre taxis et VTC, et provoqué une manifestation de certains syndicats de taxis ce lundi.
Le cofondateur de l’entreprise de VTC française AlloCab, Yanis Kiansky nous confirme qu’il est bien en contact avec le ministère de l’Intérieur pour participer à l’écriture du fameux décret. Pour l’instant, les deux parties (taxis et VTC) se montrent confiantes, toutes deux convaincues que le décret penchera en leur faveur. Pourtant, du côté du législateur, on nous affirme que le décret viendra pallier les défauts de la loi Thévenoud et pénaliser les VTC plus que les taxis.
Yanis Kiansy est, pour autant, loin d’être impressionné. « Si le décret nous ennuie, nous repartirons en bataille juridique contre le législateur, pour faire en sorte que nos activités ne soient pas entravées. » La guerre est loin d’être terminée.
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