On t’imagine immergé dans la musique, vivant parmi des milliers de disques, en ermite. On se trompe ? Complètement (rires)… J’ai de plus en plus l’impression qu’il faut s’imposer des choix. En musique, ça veut dire être capable de faire l’impasse sur des tonnes de disques pour entamer une relation vraiment particulière avec quelques albums […]
On t’imagine immergé dans la musique, vivant parmi des milliers de disques, en ermite. On se trompe ?
Complètement (rires)… J’ai de plus en plus l’impression qu’il faut s’imposer des choix. En musique, ça veut dire être capable de faire l’impasse sur des tonnes de disques pour entamer une relation vraiment particulière avec quelques albums dans mon cas, principalement des disques de dub et de reggae. Ça fait des années que je suis cette ligne : je ne suis pas collectionneur, je me moque de rater des trucs, je veux être un connaisseur, un esprit strict, avec des exigences, des attentes précises. La plupart des gens seraient déçus en découvrant madiscothèque. Elle est plutôt maigre, assez pointue sans être franchement scientifique : je possède beaucoup moins de disques que la majorité de mes potes, mais par contre, je les connais tous par coeur.
Tu te souviens de tes premiers coups de coeur ?
Je me souviens avec précision de quelques chansons qui ont marqué mon enfance. Certaines mélodies ont laissé des traces indélébiles, je me les chante encore le soir en m’endormant : des trucs des Stones, d’Elvis Presley, de Smokey Robinson, des Beatles j’étais vraiment obsédé par Norvegian wood ou même de Fats Domino. Je me suis toujours moqué des personnalités, bien moins intéressantes que leurs chansons. Quand j’étais môme, ma mère et mon beau-père me prenaient pour un fou : ils ne comprenaient pas qu’on puisse écouter le même 45t cent fois de suite en criant à tue-tête « Attention, voilà le refrain ! » Bits and pieces de Dave Clark Five : voilà un truc que j’ai écouté des heures durant. Ou encore Sunshine superman de Donovan.
Tu n’as jamais ressenti le même enthousiasme pour des albums ?
Non, et c’est sans doute ce qui explique mon incapacité à produire une oeuvre vraiment cohérente, continue. J’ai besoin de voir les choses bouger autour de moi : j’aime la rapidité, la réactivité des musiques actuelles, les collaborations en studio. J’aime ressentir le côté éphémère d’un travail : on se donne à fond pour un projet, et puis deux jours plus tard, on passe à autre chose… A mon sens, les seules musiques modernes qui supportent vraiment la durée sont le reggae et la soul. Chez Lee Perry, Burning Spear, Al Green ou Stevie Wonder, le temps devient une autre dimension, quelque chose de suspendu. Je peux écouter mes vieux disques de reggae et ne pas voir la journée passer. Mais il m’a fallu des années avant d’apprécier cette langueur : au fond, je reste un impulsif, qui a peur du surplace.
Tu te souviens du tout premier disque que tu as acheté ?
C’était un 45t de T. Rex, puis j’ai dû acheter une des fameuses compilations Motown dans la série des Chartbusters. Vers 14 ou 15 ans, je suis devenu DJ dans les fêtes qu’on organisait avec des potes. Année après année, les fêtes se sont transformées en discos, puis en sound-systems, et comme tout l’argent était réinvesti, nous nous sommes constitué une collection phénoménale. Nous avons rassemblé absolument tous les 45t valables sortis entre 73 et 81 ou 82, un véritable trésor de guerre. Et puis le jour où nous nous sommes séparés, comme un con, j’ai gardé la sono pendant que mon pote embarquait le pactole des valises de singles aujourd’hui introuvables. L’erreur de ma vie… La seule collection de disques que j’ai réussi à constituer ces dernières années a un intérêt strictement professionnel : j’ai plusieurs centaines de disques remplis d’effets spéciaux des sons d’oiseaux, de fusées, de motos, ce genre de merveilles.
Ton album préféré de tous les temps ?
Innervisions de Stevie Wonder : lumineux.
Quelle place les livres et les films occupent-ils dans ta vie ?
Il y a un prix à payer pour toute passion : dans mon cas, une inculture chronique pour tout ce qui dépasse la musique. En un an, j’ai dû avoir deux ou trois jours de congé, que j’ai passés au fond de mon lit. Mes goûts en littérature et en cinéma sont donc d’une banalité impardonnable, j’ai honte d’en parler. Ma seule lecture régulière, c’est la revue satirique Private eye et au moins un quotidien par jour. Le tout en écoutant du reggae, évidemment.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}