La musique constitue le sujet de votre film Jazz’34. En écoutez-vous beaucoup ? Oui, et principalement du jazz. Je suis particulièrement sensible aux voix. A 6 ans, j’avais une nounou black qui écoutait les standards à la radio. Je me souviens qu’un jour, elle m’a pris entre quatre yeux et m’a dit “Maintenant Bobby, écoute […]
La musique constitue le sujet de votre film Jazz’34. En écoutez-vous beaucoup ?
Oui, et principalement du jazz. Je suis particulièrement sensible aux voix. A 6 ans, j’avais une nounou black qui écoutait les standards à la radio. Je me souviens qu’un jour, elle m’a pris entre quatre yeux et m’a dit « Maintenant Bobby, écoute bien : Duke Ellington va chanter Solitude, la meilleure chanson du monde.« Et c’est toujours ma chanson préférée : j’ai même réussi à la caser deux fois dans Jazz’34. J’écoute aussi des chanteurs de country comme Lyle Lovett ou Tom Waits. Quand je filmais Vincent et Théo dans le sud de la France il y a huit ans, je devais conduire chaque jour de ma maison aux bureaux pendant une demi-heure. Or, pendant tout le tournage, j’ai fait le chemin avec Tom Waits et le pianiste Tommy Flanagan autant l’un que l’autre. Je suis très attentif aux paroles, j’en écris d’ailleurs moi-même. Uniquement des chansons country, parce qu’elles sont faciles… Comme les films, les chansons sont une bonne façon d’apprendre une langue étrangère. Le peu de français que je connais, c’est Edith Piaf qui me l’a appris, et mon italien vient des paroles de Paolo Conte.
Dans votre film McCabe and Mrs Miller, la bande originale est signée Leonard Cohen.
Pendant la préparation et le tournage de mon premier film, That cold day in the park, une partie de l’équipe et moi-même habitions dans une maison à Vancouver. Il ne cessait de pleuvoir, et le soir, après le boulot, on se défonçait en écoutant en boucle le premier album de Leonard. (Il chante) « Suzanne, let you down… » On a tellement usé ce disque que j’ai dû en racheter un autre… Plus tard, lorsque j’ai tourné McCabe and Mrs Miller, je me suis mis à chercher une musique pour le film. Un jour, au cours d’un voyage à Paris, une fille rencontrée dans une fête a mis un disque, le même album de Leonard. Dans la seconde, j’ai su que ce serait la musique du film : ses chansons convenaient parfaitement au film. Les paroles, les mélodies, tout… Leonard ne m’a pas seulement donné le droit d’utiliser sa musique, mais en plus il ne m’a rien fait payer. Encore mieux : le contrat établissait qu’après la sortie du film la portion des revenus proportionnelle à ces trois chansons reviendrait à la production. Personne n’a jamais vu ça : c’est une vraie et complète générosité. Ensuite, nous nous sommes rencontrés, et un jour, il a fini par m’avouer qu’il n’aimait pas le film. J’étais détruit. Puis du temps a passé. Quelques années plus tard, coup de fil de Leonard Cohen : « Je viens de revoir McCabe et Mrs Miller. J’ai trouvé ça génial. Je ne sais pas ce qui m’a pris la première fois, je suis désolé. » Depuis, nous sommes restés amis. Dans Mariage, j’ai utilisé Bird in a wire.
Quels sont vos écrivains favoris ?
Je lis très peu, et j’écris moi-même : c’est difficile de faire les deux. Je suis toujours en train de finir un livre, mais ça peut durer des années. En fait, je choisis mes lectures en fonction des films que je pourrais en tirer. A ce titre, j’ai découvert assez récemment que les nouvelles étaient plus facilement adaptables que les romans. C’est ce qui s’est passé avec Raymond Carver pour Short cuts qui reste l’un de mes meilleurs souvenirs même si j’ai défrisé les intégristes de Carver. Le film que je prépare actuellement s’appelle More short cuts : j’y mêle des nouvelles de Carver à celles d’autres écrivains. Là, ses fans vont faire une crise cardiaque. C’est Dave Stewart qui fait la musique.
Littérature et musique vous sont utiles pour créer vos films. Ceux de vos collègues cinéastes constituent-ils une autre source d’inspiration ?
Souvent, ils me montrent ce qu’il ne faut pas faire… En fait, je vois peu de films. Le premier qui m’ait vraiment impressionné fut Brève rencontre de David Lean. J’étais seul, j’avais 20 ans et je suis tombé complètement amoureux de cette femme de 40 ans, pas très attirante, en tout cas selon mes critères étriqués de jeune con. J’ai été bouleversé. J’ai aussi beaucoup aimé Fellini. A cette époque, je pensais devenir écrivain, j’écrivais de très longues lettres à des gens que je connaissais à peine. Les films de Bergman m’ont influencé plus que tous les autres. A une époque, il ne se passait pas un jour sans que je pense à Persona. John Huston est aussi une de mes grandes références : j’adore Le Trésor de la Sierra Madre. Je ne regarde pas ces films-là très souvent, mais ils m’ont profondément transformé, tout comme La Règle du jeu de Jean Renoir les Renoir, quelle famille incroyable…
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Olivier Nicklaus
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