Un Riche, trois pauvres de Louis Calaferte mise en scène de Pascale Henry.
Le titre sonne comme une ritournelle, une comptine morale qui aligne avec célérité les destins individuels sur le boulier de la réalité sociale. De l’auteur, Louis Calaferte, on connaît surtout sa prose, de son premier roman Requiem des innocents au fameux Septentrion, censuré pendant vingt ans. Fortement marqué à 13 ans par une première expérience professionnelle dans une usine lyonnaise, en pleine Occupation, Louis Calaferte ne cesse d’y revenir dans ses écrits. Lâcheté, hypocrisie, peur règlent une drôle de danse entre patrons et ouvriers. De quoi vous donner le tournis et vous écoeurer à tout jamais de cette vaste mascarade où s’amoncellent tant de vies estropiées.
Mû par la certitude qu’il disposait d’une imagination prodigieuse, Calaferte avait décidé qu’il serait écrivain. « Et il s’est révélé avec le temps que je n’ai pratiquement pas d’imagination et que, en fait, je suis borné à ma seule expérience… », confie l’auteur à Pierre Drachline dans Choses dites. Evidemment, c’est inexact : son sens des dialogues il écrit sa première pièce de théâtre avant d’avoir 20 ans en témoigne amplement. Parler de sa propre expérience n’implique pas l’éviction du rapport au monde, aux hommes et aux femmes qui le peuplent, l’abîment ou le magnifient. Un Riche, trois pauvres n’est certes pas une fable au sens brechtien du terme. La pièce n’entend rien signifier et encore moins proposer de solutions. Elle se présente comme une succession de saynettes, sans liens apparents. C’est un kaléidoscope où s’affichent avec superbe et humour les travers des uns, les abominations des autres et l’immense désolation qui les recouvre tous.
La bonne idée de Pascale Henry est d’avoir opté pour une forme résolument populaire : le cirque. Plateau arrondi, Guignol miniature : la kyrielle de personnages qui défilent dans Un Riche, trois pauvres est embarquée sur un manège au rythme accéléré. Maquillages excessifs, fringues rapiécées, dégaines de bonimenteurs viennent renforcer le pathétique de ces dialogues qui vomissent les affres du quotidien en trois tours de manivelle. A ce jeu-là, Sylvie Jobert est impeccable : son passage chez des artistes aussi différents que Jérôme Deschamps ou Claude Régy se font sentir. Une belle économie de moyens pour un résultat haut en couleur.
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