Pierrick Sorin, vidéaste.
Quels sont les films qui t’ont le plus marqué ?
Il y en a trois : Il était une fois la Révolution de Sergio Leone, le très classique Mort à Venise et plus récemment Ça s’est passé près de chez vous. Mais les influences les plus déterminantes, ça a été Tati, avec son humour très simple des petites réalités. J’ai vu pour la première fois ses films à l’âge de 8 ans. Il y a eu aussi les petits films muets burlesques que je regardais à la télévision, et ceux de Norman McLaren, un vrai chercheur en matière de cinéma, quelqu’un qui tournait image après image avec de vrais acteurs, comme un dessin animé vivant.
Pourquoi cet attachement au cinéma muet ?
Parce que le cinéma n’ira peut-être pas plus loin qu’à cette époque-là, ce qui n’est d’ailleurs pas un problème et ne m’empêche pas d’aimer le cinéma d’aujourd’hui. Je ne regarde plus de films muets aujourd’hui, mais je m’y réfère comme quelque chose qui contient l’essentiel et où, en matière de cinéma à proprement parler, tout est déjà là.
Te sens-tu toi-même attiré par le cinéma ?
Oui, je viens de tenir un rôle dans le premier film d’une jeune réalisatrice, Sophie Contet. Ça devrait s’appeler Noctambule. Comme je faisais déjà l’acteur dans mes films vidéo, il me semblait logique d’en arriver là. Mais j’ai aussi très envie de passer à la réalisation, ou plutôt au scénario. Je ne fais pas bien la différence d’ailleurs entre réalisateur et scénariste parce que j’ai l’habitude, dans mes vidéos, de tout faire tout seul. Même l’idée de confier l’image à un cadreur me semble tout à fait bizarre. Je suis donc en train d’écrire un premier long métrage, et j’aime bien ça, penser le film, l’écrire. En revanche, le moment du tournage ne m’intéresse pas du tout, je trouve ça fastidieux, il y a trop de contraintes techniques, ça fait presque injure à la pensée. Il faut sans cesse lutter contre les réalités pour approcher l’idée. Evidemment, sur le papier, on est beaucoup plus libre, et j’espère retrouver cette liberté à la fin du film, au moment du montage. A l’inverse, il est certain que la vidéo est pour moi cet espace de liberté totale où on est très proche de ce qu’on recherche. Même si je travaillais avec du 16 mm ou du Super-8, le temps d’attendre le développement me semblerait trop long, il serait déjà trop tard pour reprendre les choses.
Quels sont tes goûts en matière de musique ?
Ma culture musicale est vraiment au ras des pâquerettes ; à l’âge de 14 ans j’étais en réaction vis-à-vis de mes copains qui achetaient beaucoup de disques. Parce que j’étais un peu fermé, que la musique vient de l’extérieur et que je n’étais pas réceptif à ce qui venait du dehors. J’écoute essentiellement de la chanson française, des choses très standard : Bashung, Gainsbourg, et un peu Dominique A, parce que j’ai besoin du texte pour avoir une émotion, et que souvent la musique ne me suffit pas. Mais j’ai une amie qui en écoute beaucoup, alors c’est peut-être en train de changer… Il faut dire aussi que comme je ne suis pas angliciste, je ne suis pas très sensible à la musique anglo-américaine. En revanche, j’ai fait plusieurs performances avec Pierre Bastien, un musicien qui a travaillé avec Pascal Comelade. Le direct, c’est vraiment quelque chose de formidable, un moment où la vie est forcément plus intense, alors que dans la vidéo on travaille tout le temps en différé.
Tu es donc très attaché au texte. Quels sont tes rapports avec l’écriture ?
Ecrire de la poésie ou des romans, ça a été mon premier désir, ma première démarche. Je place l’écriture au-dessus de tout parce qu’on y est réellement plus libre. Je voulais inventer de nouvelles formes littéraires, et quand j’ai vu que je n’y arrivais pas, alors j’ai arrêté pour faire des images. Puis je me suis rendu compte plus tard que le plus important n’était pas d’inventer des formes, mais de dire simplement ce que l’on avait à dire.
Jean-Max Colard