Comment te dire ? écrit et mis en scène par Frédéric Leidgens.
Il arrive que la fiction s’infiltre dans le réel, déteigne si bien sur lui qu’elle en change le cours. Lorsque Frédéric Leidgens, jeune acteur belge de 28 ans, rencontre Daniel Emilfork voilà bientôt vingt ans, ils jouent dans une pièce de Kafka : Le Onzième fils. Leidgens était ce onzième fils qui devait enterrer son père, joué par Emilfork. Depuis lors, il n’a plus quitté cette famille de théâtre : aux côtés de Daniel, il y avait sa femme, Denise Péron, comédienne, et sa fille, Stéphanie Loïk, comédienne et metteur en scène. Dans l’amour qui unit ces deux êtres, « un amour sans sexe », répète Emilfork, le besoin viscéral de l’exprimer sur un plateau de théâtre a déjà donné lieu à plusieurs aventures. Ensemble, ils ont écrit et joué Archéologie, La Journée des chaussures et Domus. C’était il y a quelques années : on les voyait aussi transiter du côté de la danse. On se souvient du mémorable Quel est le secret ? du chorégraphe François Verret : Daniel Emilfork disait un monologue, écrit par lui, sur l’histoire de sa mère, « un monologue d’amnésie » qui accompagnait la fuite de cette drôle de troupe.
Non, il ne dansait pas, ce plaisir-là, c’est aujourd’hui qu’il se l’accorde après avoir longtemps pensé que la vie le lui avait refusé. Un moment inouï au coeur de leur dernier spectacle, Comment te dire ?, qui rassemble toutes les danses passées, rêvées, esquissées et les condense en un instant énorme, immense, littéralement sans borne.
« Dans ce spectacle, si on n’est pas authentiques, ça n’a aucun sens », confie l’acteur au moment des répétitions. C’est que, contrairement à leurs précédents spectacles, aucune fable n’est venue dérouler le fil de la narration. Pas de garde-fou extérieur à leur histoire : c’est bien leur intimité qu’il s’agit d’ouvrir au regard du public, même sublimée dans le champ de la représentation. Sur le ton de la conversation, deux hommes échangent leurs souvenirs, l’un parle surtout, l’autre écoute davantage. Daniel Emilfork nous dit beaucoup de lui, de sa famille exilée au Chili, de son arrivée en France, de sa vieillesse et de l’approche de la mort, et surtout, surtout, du désir impérieux de transmettre, comme sens ultime proposé par la vie. Frédéric Leidgens est bien ce onzième fils, celui qui aura donné forme à ce désir de transmission. A nous d’en recevoir l’écho.
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