Entre 1990 et 1992, Nice a été le théâtre d’un dynamisme artistique méconnu, d’où est sorti l’essentiel de la jeune génération de l’art contemporain. Retour vers le futur.
La ville de Nice est sans doute passée à côté de son histoire récente, obnubilée par Yves Klein et les figures légendaires du Nouveau Réalisme, encore et toujours à l’honneur au musée d’Art contemporain. Qui se souvient de l’exposition No man’s time organisée à la Villa Arson de juillet à septembre 1991 ? Soutenue par Christian Bernard, actuel directeur du MAMCO de Genève, conçue par le critique d’art Eric Troncy, elle contenait ce qui fait aujourd’hui la part la plus vivante de l’art contemporain. Félix Gonzalez-Torrès, mort entre-temps du sida et consacré par le musée d’Art moderne de la ville de Paris en 1996, y exposait pour la première fois. Mais on trouvait aussi Xavier Veilhan, Angela Bulloh, véritable fleuron de la scène anglaise, Pierre Joseph, Philippe Parreno, Sylvie Fleury, l’Américain Raymond Petitbon, Dominique Gonzalez-Foerster ou encore les artistes de la collection Devautour.
Pendant ce temps, et toujours à Nice, Edouard Mérino et Florence Bonnefous ouvraient la galerie Air de Paris, établie maintenant dans la capitale. Eric Troncy, qui consacre d’ailleurs un chapitre de son prochain livre, Le Spectateur et l’accident, à cette période méconnue de l’histoire de l’art, s’en souvient avec amusement : « La galerie Air de Paris avait commencé par une idée farfelue. Philippe Parreno, Pierre Joseph et Philippe Perrin avaient conçu Les Ateliers du Paradise : ils avaient simplement eu l’idée d’habiter la galerie pendant un mois, et avaient décoré leur habitat avec des oeuvres d’art contemporain. L’ambiance était ludique, et l’idée d’utiliser l’oeuvre d’art comme un cadre de vie, et non comme quelque chose de sacré qu’on adore sans toucher, était franchement innovante. Les Ateliers du Paradise ont pour moi une vraie valeur historique. » Un nouveau rapport à l’oeuvre était en train de s’inventer.
En même temps, Olivier Antoine montait la galerie Art Concept, elle aussi établie depuis à Paris, et montrait quelques jolies signatures : Michel Blazy, Philippe Ramette, Philippe Mayaux, Dominique Figarella… Artistes, critiques et institutionnels, tout ce beau monde venu de la Côte et surtout d’ailleurs, souvent formé à l’école du Magasin de Grenoble, était donc descendu à Nice pour se faire dorer la pilule sur fond de techno déversée par les soirées Pyramides. Rapidement reconnue à l’étranger, en particulier à Londres ou à Francfort, cette scène niçoise n’est pas passée par Paris. Elle ne porte toujours pas de nom, et c’est tant mieux : elle a ainsi échappé à la maladie de la commémoration, éclate aujourd’hui en plein jour et continue à faire plutôt qu’à être l’histoire de l’art.
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