Check up, textes d’Edward Bond, joué et mis en scène par Carlo Brandt.
En montant Check up à partir de textes de Bond, Carlo Brandt a réussi : chaos sur la scène et panique dans la salle.Scènes « L’homme SS brutal disait qu’il obéissait à la loi. Ceux qui vivent selon la loi sont comme l’homme SS. La loi, c’est obéir à l’ordre. Le gouvernement est toujours plus faible que vous. Il prend vos vertus et les retourne comme des vices. La bravoure du gouvernement est votre lâcheté, son honnêteté votre corruption, sa culture, votre barbarie. Et donc lorsque vous êtes brave à son service vous êtes lâche, lorsque vous êtes honnête en son nom, vous êtes corrompu, et lorsque vous agissez conformément à sa culture vous êtes sauvage. Comment pourriez-vous comprendre ce siècle autrement ? »
Derrière un écran géant sur lequel sont projetés des portraits, on devine à peine l’homme qui prononce ces mots. C’est Carlo Brandt, acteur familier des textes d’Edward Bond. Il s’est construit un montage à partir de trois textes qu’il joue et met en scène et l’a intitulé Check up. Dans un décor postatomique, il est celui qui a survécu au désastre, les vêtements couverts d’une épaisse poussière blanche, c’est presque un mutant. On croit même deviner des yeux rouges derrière ses épaisses lunettes noires. En avant-scène, DJ Fred a poussé l’ampli, Shut the fuck up crisse sur les platines, trop c’est trop pour un public habitué à poser ses fesses dans les fauteuils molletonnés pour généralement s’entendre dire que le monde va mal certes, mais avec des nuances. Tordue de rire on a les défenses que l’on peut , une dame crie « Ils vont nous rendre complètement fous ! » Carlo Brandt a réussi, le chaos est sur scène et la panique dans la salle.
Ce « bilan de santé » fait peur. L’état du malade, le monde, est grave. On a beau le savoir, le passage au scanner confirme le diagnostic. La thérapie est donc agressive. Les flashs aveuglants d’une lumière stroboscopique nettoient les rétines et la musique du DJ décrasse les tympans. L’étrillage des consciences s’opère avec douleur. Carlo Brandt amène la guerre dans le théâtre, physiquement. Il parle, doucement, d’une voix grave et chaude. Le pouvoir de l’argent, l’injustice d’un monde où l’on dit être plus humain et où on ne se donne même plus la peine de tuer au corps à corps, où la guerre propre est un concept qui fait ses preuves. Un monde entièrement dominé par l’argent, l’arme économique, seule loi reconnue universellement. Sur l’écran, des portraits, photos de Jean Mohr, se succèdent, des images d’enfants, graves, beaux, d’adultes aux regards interrogateurs.
Edward Bond demande toujours pourquoi ? « Pourquoi les bombes ont-elles été lancées ? Pourquoi y a-t-il la guerre ? Pourquoi l’injustice ? » Et n’apporte aucune solution facile à digérer, nous clouant à la croix de la responsabilité individuelle. Nous qui ne sommes finalement que les complices plus ou moins conscients, au gré des arrangements, des gouvernements assassins, fomenteurs de guerres militaires et/ou économiques. La démocratie chez Bond n’est que le travestissement de la dictature déclarée. « Le mur de Berlin n’a pas été détruit quand il a été abattu. Il a été emporté dans les mains et les poches et l’absence de liberté s’est répandue. » Si le texte prend parfois l’allure de tract, ce décapage cérébral est des plus nécessaires avant la grande débauche des festivités de fin d’année.
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