Aux côtés de Robert Frank et d’Irving Penn, Jeanloup Sieff expose La Vallée de la Mort, sa mythique série de paysages désertiques, jamais montrée depuis vingt ans.
Si Jeanloup Sieff est l’un des rares photographes contemporains dont le nom ait une résonance dans le grand public, c’est à travers la fausse image d’un aimable portraitiste de jolis derrières féminins. Soit un sujet de moquerie chez les jeunes gens modernes et un grave malentendu. Il débute par quelques reportages marquants au sein de Magnum, puis se tourne très vite vers le milieu de la mode, dont il sera l’un des agitateurs qui quitteront les studios pour la rue. Parallèlement, il fait du paysage, un genre qu’il bouscule aussi bien qu’il fasse le modeste sur le sujet par l’utilisation du film 35mm, du grain, du grand-angulaire et un travail particulier sur le tirage qui hantera définitivement les photo-clubs sous l’appellation des « ciels à la Sieff », surtout lorsque paraissent ses photos faites dans la Vallée de la Mort. C’était il y a vingt ans.
Suite au succès de son livre coécrit avec Chenz, il propose à son éditeur de diriger une collection de livres qui serait la réponse à la question « Où avez-vous envie d’aller ? » Il dessine une maquette, prend contact avec des photographes et leur propose la problématique suivante : il y a un endroit où vous avez toujours voulu aller, vous avez carte blanche, ramenez un journal de voyage et 70 pages de photos. Sur le papier, le rêve. Mais il se rend vite compte que la liberté totale est un vertige pour certains photographes, que les choses n’avancent pas au rythme prévu ; il n’y aura finalement que quatre livres. Dont le sien, puisqu’il est bien entendu qu’il avait, lui, une réponse très précise à la question avant de la formuler : la Vallée de la Mort.
Il avait vu quelques photos dans le National Geographic et il aimait le nom. Il loue donc un camping-car à Los Angeles et part avec sa femme dans le désert pendant six semaines. Six semaines d’une intense liberté où il va rencontrer des personnages mais surtout des lieux et des lumières (n’aime-t-il pas répéter que lorsqu’il fait des photos de mode à la campagne, il prend toujours une photo du paysage sans la dame avant de commencer sa séance ?).
Extrait de son journal de bord : « Vendredi 25 février. La lumière dure est devenue caresse, et nous nous enfonçons dans les dunes en marchant face au soleil couchant. De nouveau le silence et le vide, de nouveau nous sommes reportés des millénaires en arrière ; le bruit de mon appareil paraît incongru et déplacé… » Il arpentera donc ce petit bout du désert de Mojave situé bien en dessous du niveau de la mer, faisant des cristallisations salines et des dunes environnantes un poème graphique où lignes et formes se révèlent dans des éclairages d’hiver.
Cette expérience aurait dû être suivie d’autres. Sieff a toujours en projet de traquer tous les « bouts du monde », le cap Horn, la pointe du Raz ou le nord de l’Ecosse, mais les aléas de la vie ont retardé ses envies. Lui qui s’est délecté dans la nostalgie pendant des décennies se tourne maintenant résolument vers le futur, vers de nouveaux projets, le prochain étant justement un livre sur l’Ecosse. Cette exposition est donc une occasion rare de se plonger dans son travail passé pour en admirer l’intemporalité.
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