A l’occasion de la sortie de « Wake in Fright », le chef-d’oeuvre méconnu de Ted Kotcheff, les Inrocks vous ont concocté une sélection de « survival movies » spéciale citadins vs campagnards.
Quand les rats des villes s’aventurent sur le territoire des rats des champs, ça tourne rarement en faveur des citadins qui ont toutes les peines du monde à survivre dans un univers inhospitalier. Si, en plus, leur voiture tombe en panne non loin d’une maison où vit la famille la plus tarée des Etats-Unis comme dans Massacre à la tronçonneuse, ça devient franchement rude et les vacances à la campagne se transforment vite en cauchemar. Des grands classiques de ce sous-genre du film d’horreur datant des années 70 jusqu’aux réactualisations des années 2000 en passant par les films qui s’écartent du modèle traditionnel du « survival movies », les Inrocks ont dressé une petite typologie de ces films de survie à dimension sociologique.
Les Incontournables
Wake in Fright (1971) de Ted Kotcheff
Ce film, sorti cette semaine au cinéma pour la première fois en version complète, restaurée et non-censurée est un véritable chef-d’oeuvre. Il raconte l’histoire d’un jeune professeur contrait d’enseigner au milieu du désert australien. La période de Noël, synonyme de retour à Sydney pour le jeune homme, approche et il quitte ce trou perdu avec bonheur. Mais il se perdra en route, prit dans un tourbillon de bière, de sang, de sauvagerie et de poussière. Cet homme va découvrir que son irrépressible désir d’intégration est plus fort que son désir de civilisation et son amour pour la culture et la moralité qu’on lui a toujours enseignés.
Délivrance (1972) de John Boorman
Le classique des classiques. Un groupe de potes travaillant comme cadres dans une grande entreprise se lancent dans la descente en kayak d’une rivière isolée. Les étranges habitants qui vivent aux abords de cette rivière vont faire de cette sortie sportive un vrai calvaire. Deux scènes de ce film sont absolument cultes. Il s’agit du premier contact entre les citadins et les autochtones durant lequel un garçon manifestement handicapé va jouer un morceau de banjo endiablé en duo avec l’un de ces aventuriers du dimanche. La seconde scène, celle de l’homme-cochon, est moins champêtre et se passe de commentaire.
http://youtu.be/_55Lopyevy8
Massacre à la tronçonneuse (1974) de Tobe Hooper
Autre chef-d’oeuvre qui a également bénéficié d’une sortie en copie restaurée cette année, Massacre à la tronçonneuse est considéré par beaucoup comme le film d’horreur le plus important de l’histoire du cinéma. Son schéma narratif sera ensuite repris par de nombreux films du genre. Un groupe de jeunes se retrouvent en panne d’essence dans une inquiétante région. Ils vont découvrir une maison abandonnée et s’y introduire dans l’espoir de trouver un peu d’essence pour repartir.
La dernière maison sur la gauche (1972) de Wes Craven
Etonnamment, le premier film de l’un des maîtres de l’horreur, auteur des Scream et de la saga Les Griffes de la nuit, est un remake remanié de La Source (1960) d’Ingmar Bergman. Comme dans ce film, la logique est celle de l’arroseur arrosé. Un groupe jeunes gens tue une fille (dans La Source) ou deux (dans La dernière maison sur la droite) mais font ensuite l’erreur de passer la nuit dans la maison de celles qu’ils ont tuées. La famille va alors pouvoir se venger.
Rambo (1982) de Ted Kotcheff
11 ans après Wake in Fright, on retrouve Ted Kotcheff pour son film le plus connu, Rambo. Alors qu’il parcourt les Etats-Unis pour retrouver d’anciens combattants, ce héros de la guerre du Vietnam est maltraité et emprisonné dans une petite ville, accusé de vagabondage. Furieux, Rambo va reprendre les armes, décidé à anéantir cette petite ville de l’Amérique profonde pour se venger. Caché dans la forêt environnante où il peut utiliser les techniques de combat qu’il a acquises durant la guerre, il semble invincible et l’armée subit de lourdes pertes en tentant de le neutraliser. Ce film se détourne donc de l’opposition ville/campagne pour illustrer le traumatisme subi par les vétérans de la guerre de Vietnam.
http://youtu.be/Z4IIO9oUXLE
Les réactualisations des années 2000
La maison de cire (2004) de Jaume Collet-Serra
Encore un remake, cette-fois ci d’un film hongrois datant de 1953 (L’Homme au masque de cire), et avec le même schéma narratif que Massacre à la tronçonneuse: une bande d’amis se retrouve en panne en pleine nature. Ils vont alors découvrir une petite ville fantôme dont la grande attraction semblait être un musée de mannequins de cire plus vrais que nature…
The Descent (2005) de Neil Marshall
Ce film d’horreur britannique a reçu un excellent accueil à la fois critique et public à sa sortie. Et pour cause, son récit d’un groupe de jeunes femmes qui se retrouvent piégées dans une grotte retranscrit parfaitement la claustrophobie et les peurs que l’on peut ressentir dans pareille situation. Fortement inspiré de Délivrance, les paysans consanguins sont ici remplacés par d’étranges humanoïdes, habitants des profondeurs.
La colline à des yeux (2006) d’Alexandre Aja
Nous aurions pu mettre l’original de Wes Craven sorti en 1977 mais nous avons préféré son remake très réussi sorti presque 30 ans plus tard. Tout deux racontent l’histoire d’une famille en vacances qui se retrouve coincée en plein milieu du désert du Mexique, non loin d’une zone interdite où de nombreux essais nucléaires ont été effectués dans le passé. Ils vont alors découvrir de nouveaux voisins qui habitent dans cet endroit depuis trop longtemps.
Eden Lake (2008) de James Watkins
Nouvelle déclinaison sur le thème de Délivrance, Eden Lake montre comment un week-end romantique en pleine nature pour se transformer en chasse à l’homme. Deux amoureux (la belle Kelly Reilly et Michael Fassbender dans son 4e rôle seulement au cinéma) profitent d’une carrière désaffectée jusqu’à ce qu’une bande d’adolescents accompagnés d’un chien vienne les importuner.
http://dai.ly/x6riri
Détournements du genre plus récents
Tucker et Dale fightent le mal (2010) d’Eli Craig
Variation sur le ton de la comédie horrifique et parodie de Délivrance, ce film canadien met en scène deux amis qui réalisent leur rêve en achetant une petite cabane dans la forêt. Pêcher, couper du bois et boire une bière autour du feu occupent leur journée de bonheur jusqu’à ce qu’une bande d’étudiants installe un campement non loin de leur cabane. A la suite d’un quiproquo, les étudiants s’imaginent que les deux amis veulent leur mort. Une série d’accidents stupides ne fera que confirmer cette peur.
Les Combattants (2014) de Thomas Cailley
L’un des meilleurs premiers films français de cette année 2014 est aussi un film de survie où deux jeunes (les excellents Adèle Haenel et Kevin Azaïs) tentent de vivre coupés du monde et avec les ressources que la nature leur offre. Seuls contre le reste du monde et après s’être évadés d’un camp d’entrainement militaire trop facile à leur goût, le couple va vite déchanter. Plus qu’une opposition ville/campagne, ce film dresse le tableau d’une société partagée entre ceux qui sont conscients de l’imminence de l’apocalypse et qui s’y préparent, et ceux qui continuent à vivre normalement et qui courent ainsi à leur perte.
Tom à la ferme (2014) de Xavier Dolan
Quand un jeune homosexuel branché quitte la ville pour la campagne où il devra vivre quelques jours sous le même toit que la famille conservatrice et homophobe de son petit ami décédé et que, pour couronner le tout, le frère de ce dernier est un vrai sadique, cela donne ce film un peu à part dans la jeune filmographie du réalisateur québécois. Déclinaison auteuriste et très référencée (Hitchcock) du « survival movie », le film ne manque pas non plus d’humour dans sa manière de jouer avec les clichés citadins vs ruraux.