La Jeanne de Delteil d’après Joseph Delteil, mise en scène Christian Schiaretti avec Camille Grandville
Jeanne d’Arc est un corps inflammable, donc dangereux à manipuler. Camille Grandville, qui interprète seule La Jeanne de Delteil, ne craint pas les brûlures, elle endosse le personnage sans combinaison ignifugée, se jette dans l’aventure et raconte sa Jeanne à elle, se l’approprie, lui donne vie. Cette Jeanne-là est avant tout dotée d’un solide appétit et d’une joie de vivre toute gaillarde. Prompte à saisir le plaisir là où il passe, elle se laisse enivrer de parfums, de saveurs, de vins et d’aventures. Quand elle entend des voix ce sont celles de ses copines sainte Marguerite et sainte Catherine et pas de vagues messages plus ou moins cryptés. Christian Schiaretti, le metteur en scène, et l’actrice ont choisi d’entretenir le doute quant au personnage présent sur scène et celui-ci profite du théâtre pour jouer le théâtre. Cette Jeanne est peut-être machiniste, ou femme de ménage dans un théâtre. Un personnage du quotidien qui se refait l’histoire de son héroïne favorite tous les jours, tant et si bien qu’elle finit par s’en approprier un bout. La chevauchée fantastique à travers le temps, elle se la refait tous les jours, en utilisant tout ce qu’elle a sous la main. Une table à laquelle elle rajoute une corde pour créer des harnais fait un parfait cheval, un bout de moquette devient l’allée centrale de la cathédrale de Reims et on y croit vraiment. La dimension fantastique prend le pas sur le réel pour donner de vrais frissons. Avec deux clés de douze croisées pour figurer les crucifix et un bout d’étoffe noire pour l’horrible archevêque qui la condamne à mort, la scène de torture sur la Jeanne représentée par une tige de métal entourée d’un chiffon blanc est garantie 100 % cauchemardesque. Camille Grandville a gardé cette capacité des enfants à jouer aux cowboys ou à la guerre, de dire « pouce » pour mieux reprendre le cours des choses. Le texte de Delteil démystifie Jeanne d’Arc pour mieux aimer l’être humain. Il y a toute l’arrogance impudique des hommes, tout l’engouement d’une fille un peu naïve qui a tendance à croire sur paroles.
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