Dans les années 80, la discographie d’Echo & The Bunnymen fut exemplaire, régulière et en grimpette. Avec un col : Ocean rain. Et un sommet dix ans plus tard : l’inattendu Evergreen.
(Korova/WEA, 1980)
Déjà célèbre dans la scène post-punk de Liverpool, où Echo & The Bunnymen traduit Bowie pour les petits punks du club Erics, le groupe plaque sa fidèle boîte à rythmes Echo pour recruter l’époustouflant batteur Pete de Freitas et enregistrer son album pour une major. Le sous-bois ensorcelé de la pochette est hanté par le Velvet et les Doors, mais le groupe sait déjà installer sa propre tension, ses atmosphères au psychédélisme raffiné. Sur scène, Echo & The Bunnymen apparaît en treillis, dans des filets de camouflage militaire et des écrans de fumée : Ian McCulloch cache ses paroles de façon identique. Une merveille.
Heaven up here (Korova/WEA, 1981)
Si Crocodiles sent bon le renfermé, la petite tête punk contre les murs du son, le second album est déjà gagné par une ivresse des grands espaces : du lyrisme oblique de A Promise à l’élégante déjante de Over the wall, Echo & The Bunnymen devient le meilleur trafiquant d’ambiances anglais sur scène notamment, où les Liverpudliens sont triomphants. Une merveille.
Porcupine (Korova/WEA, 1983)
Déjà amoché par ses relations avec l’industrie la première mouture du disque aurait été refusée , le groupe se replie sur lui-même dans les glaces islandaises et invite un copain méconnu, Ian Broudie, à produire ce troisième album crépusculaire. Broudie fait découvrir la sophistication aux chansons rugueuses des Bunnymen. The Back of love ou The Cutter offrent les premiers véritables tubes du groupe qui invente là une manière grandiloquente mais jamais pompière de faire du rock pour les stades. Une merveille.
Ocean rain (Korova/WEA, 1984)
Le groupe s’installe cette fois-ci à Paris, avec un Anglais de 21 ans Adam Peters en charge d’une pluie fine de cordes. Un crachin enveloppant et insidieux, qui donne à cet album baroque et dérangé une lumière toujours étonnante aujourd’hui. Au sommet de son romantisme, Echo & The Bunnymen offre ici sa meilleure chanson : le somptueux The Killing moon. Une merveille.
Echo & The Bunnymen (Korova/WEA, 1987)
Impuissant à surpasser ce chef-d’oeuvre, Echo & The Bunnymen écoute pour la première fois les avis de l’industrie. Soit enregistrer un album raisonnable, douteusement calibré pour le marché américain tout en écrivant quelques tubes dignes, comme Lips like sugar. Et la fourberie fonctionne : le groupe, malade de ses jalousies et de trop de tournées, obtient le plus gros succès de sa carrière. Dégoûté de triompher avec aussi peu de panache et autant de démission, Ian McCulloch plaque Echo quelques mois plus tard. Pas une merveille.
Reverberation (Korova/WEA, 1990)`
Les trois membres restants, s’estimant trahis, décident qu’un chanteur tout Mac qu’il soit est remplaçable. Pendant que Will Sergeant et Les Pattinson font passer des auditions, le batteur Pete de Freitas, revenu au groupe après une crise mystique à La Nouvelle-Orléans, se tue dans un accident de moto. Echo & The Bunnymen continue pourtant avec un chanteur invisible, Noel Burke, et ne sera plus désormais que le petit joujou psychédélique et inoffensif du guitariste Sergeant, promu général. Pas du tout une merveille.
Evergreen (London/Barclay, 1997)
McCulloch avait perdu son père quelques jours seulement après la séparation du groupe « Les deux choses les plus importantes de ma vie ont disparu en même temps. » Quelques jours après avoir décidé de reformer Echo & The Bunnymen, il perdait sa mère. Pour cet observateur forcené de son destin, deux signes franchement troublants : d’Echo & The Bunnymen, on ne s’échappe pas. Une merveille.
Compilations
Il existe, en plus des deux compilations officielles du groupe Songs to learn & sing (Korova/WEA, 1985) et sa presque jumelle Ballyhoo (Korova/WEA, 1997) , une intéressante collection de chansons rares et de reprises en public : New live & rare (Korova/WEA Japan, 1988). Certains singles fameux du groupe, dont Never stop, n’existent en compact que sur ces compilations.
Will Sergeant, Themes from Grind (WEA, 1982)
Réhabilité par les groupes post-rock américains, ce disque intransigeant, sombre et strictement instrumental devrait connaître une seconde jeunesse alors que le label Enraptured se propose de le rééditer. Dès 82, on entendait Tortoise à Liverpool. Dans nos cerveaux, on a souvent eu l’occasion d’inventer des images pour ces musiques humides : heureusement, car le film Grind n’est, lui, jamais sorti.
Ian McCulloch, Candleland (WEA, 1989)
Première aventure solo depuis un single September song, romantique et sur mesure sorti en 84, Candleland est hanté par la mort du père, du groupe et de Pete de Freitas. McCulloch y consigne la bande-son de sa dépression, sa voix mise en avant et acrobate comme jamais. Pas morbide, éclairé doucement (à la bougie), cet album intime et délicat sera surtout un succès critique.
Ian McCulloch, Mysterio (WEA, 1992)
Les comptes réglés sur son premier album, McCulloch se trouve fort dépourvu quand Mysterio réclame une suite à une carrière solo démarrée dans trop de déclarations fracassantes pour s’arrêter là. McCulloch n’y brille guère que sur une reprise classique du Lover, lover, lover de Cohen, se contentant ailleurs de faire du McCulloch. Rencontré à cette époque, il nous avoue trouver formidables les albums d’un autre désemparé en panne totale d’inspiration : le Bowie de la fin des années 80. Qui se ressemble…
Electrafixion, Burned (WEA, 1995)
Caprice totalement déplacé, McCulloch se met en tête de courir aux trousses de Nirvana, qui vient de le secouer dans son cauchemar chimique. Il rappelle le vieux guitariste Will Sergeant pour ce groupe risible, qui trouve très vite de super-surnoms Ego & The Bunnymen ou Tin Machine. Mais après avoir tenté de séduire l’Amérique avec ses propres arguments, McCulloch se rend compte que le public (quel public ?) ne vient qu’entendre les cinq chansons des Bunnymen. Il admet cette évidence : sa voix d’or n’est pas faite pour le beuglement ordinaire, mais pour les cordes tressés d’Echo & The Bunnymen. Dix années de gâchées.
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