L’artiste camerounais déploie son art du réalisme magique à Paris et à Londres dans des expositions ogresques.
C’est une œuvre en forme de conte que Pascale Marthine Tayou déploie depuis les années 90. Comme telle, elle est peuplée de créatures merveilleuses qui surgissent sans prévenir du fin fond de forêts épaisses, des entrailles de la terre ou de mondes lointains. En termes d’exposition, cela se traduit déjà par la manière de disposer les œuvres à touche-touche : loin d’être nu et blanc, l’espace est saturé, les œuvres se bousculent et s’arrangent entre elles pour avoir leur place. A la Serpentine Sackler Gallery de Londres, certaines se retrouvent reléguées au piquet, dans un coin, d’autres rasent les murs (une gouttière blanche joue des coudes sur tout un mur blanc), et d’autres se collent au plafond. Une vraie chasse aux trésors qui fait du spectateur un chineur. Un immense poster mural offre d’ailleurs comme toile de fond l’image d’un marché camerounais avec ses échoppes bien garnies, la foule des passants piétinant une terre ocre et poussiéreuse, puis l’artiste en train de choisir de la vaisselle. L’arrière-plan et l’horizon de l’exposition restent donc le réel et la terre ferme. On dirait du réalisme magique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Spectres vengeurs de la surconsommation
Cette manière d’embouteiller ses expositions se prolonge dans l’aspect noueux des pièces. Elles font des nœuds, en effet, voire du boudin. A l’image de l’Africonda, un serpent très boudiné ou un long intestin fait de serviettes de plages enroulées, ou tel l’Octopus, une vague pieuvre tentaculaire faite de tubes de pompe à essence : quelque chose coince, ne passe pas et finit par former un gros bouchon. Du coup, c’est physique, ça dégorge. Quoi ? Allégoriquement, cet Octopus et cet Africonda, entre autres monstres sans visage, sont les spectres vengeurs de la surconsommation des énergies non renouvelables et du tourisme de masse.
L’arbre (la nature) au milieu de l’exposition
Comment alors faire passer la pilule, fluidifer le trafic, ce qui inclut le rapport entre les gens, entre le Nord et le Sud, puisque c’est là aussi un des axes du travail de l’artiste né au Cameroun, mais installé à Bruxelles ? En remettant l’arbre (la nature) au milieu de l’exposition pour y suspendre des fétiches africains, soufflés en cristal… comme les fétiches européens. Tayou inverse l’ordre des choses. Il redessine la généalogie de l’art. La branche africaine, pleine de “gris-gris”, faits de matériaux pauvres, titre de son exposition parisienne, à la VnH Gallery (qui ouvre dans les locaux de feu la galerie Yvon Lambert), y croise la préciosité baroque de l’art européen et crée des bifurcations.
Gri-Gri jusqu’au 20 juin, VnH Gallery, Paris IIIe, vnhgallery.com
√ – Une proposition de Pascale Marthine Tayou jusqu’au 17 mai, galerie Olivier Robert, Paris IIIe, galerieolivierrobert.com
Boomerang jusqu’au 17 mai, Serpentine Sackler Gallery, Londres, serpentinegalleries.org
{"type":"Banniere-Basse"}