A moins qu’on nous dissimule la vérité, Damien Mingus n’a aucun lien de parenté avec le Gargantua de la contrebasse, pas plus que My Jazzy Child n’a de rapport avec le jazz ou les enfants. A moins que De son illustre homonyme, Mingus a retenu ce précieux enseignement que toute musique novatrice doit procéder d’un […]
A moins qu’on nous dissimule la vérité, Damien Mingus n’a aucun lien de parenté avec le Gargantua de la contrebasse, pas plus que My Jazzy Child n’a de rapport avec le jazz ou les enfants. A moins que De son illustre homonyme, Mingus a retenu ce précieux enseignement que toute musique novatrice doit procéder d’un conflit entre le primitif et le savant, l’intuitif et l’intellect. Du jazz, sans user de ses codes et ficelles comme trop d’électroniciens en panne de sens, il garde l’esprit de fronde libertaire dont il déplace simplement l’objet, le faisant glisser sur un terrain balisé par la pop et le rock bruitiste, dont il démine également les repaires trop voyants.
Quant à l’enfance, on en retrouve par bouffées elliptiques le parfum virginal et taquin à travers une approche désinhibée de l’écriture et du chant qui peut évoquer berceuses ou comptines, mais en provenance d’une école dont les maîtres auraient pour noms Moondog, Raymond Scott et Brian Wilson. Pour faire plus simple, on pourrait juste dire que Sada Soul, le troisième album de My Jazzy Child, est une enivrante expérience sonore, à la lisière de la psychiatrie et du psychédélisme, comme celles de Syd Barrett, de Kevin Ayers ou, plus près de nous, de Tom Zé (auquel fait référence le babillage tropicaliste d’Emiliano Carnaval) ou Kevin Shields. Cet attelage iconoclaste de références, qu’on se rassure, ne pèse en rien sur l’avancée de morceaux qui serpentent avec une belle insolence à travers une jungle de textures, de cliquetis mécaniques, de drones, de boîtes à musiques désarticulées, de guitares en perdition, de pianos préparés (au pire) et de bruits fantômes.
A l’instar de certaines productions du label anglais Leaf ? de Asa Chang & Junray à Murcof en passant par la merveilleuse Française Colleen ?, il est fortement question d’un genre de folk mutant où l’electronica, au lieu de servir de réceptacle, agirait tel un filtre révélateur. De ce chaos où s’enchâssent à la fois des loopings atmosphériques et des tentatives vite avortées de funk encrassé ? Shame on You I Love You ?, où le mélodica fait office de fil d’Ariane distendu et capricieux, on retire une impression paradoxale de quiétude songeuse, de contemplation gourmande. Pour reprendre un titre d’album fameux du vieux Charlie, c’est un peu Mingus in Wonderland.